Depuis la mi-septembre, le marché des repos américain, haut-lieu du refinancement au jour le jour des banques, est entré dans une crise chronique et la Fed reste sur le qui-vive, constatant que les taux remontent à l’approche de l’échéance de fin d’année.
La Fed s’apprête à lancer une seconde opération d’injection de liquidités afin que ce marché ne grippe pas. Il est donné comme explication qu’à cette période de l’année, les banques gonflent leurs coussins de liquidités pour se conformer à la réglementation, au détriment des opérations de prêt. C’est donc cette dernière, à l’origine de tous les maux, qui a été en premier lieu incriminée devant ces tensions persistantes.
Pour Claudio Borio, qui dirige le département des affaires monétaires et économiques de la Banque des règlements internationaux (BRI), il y a une toute autre raison. Selon lui, une très forte demande des hedge funds sur le marché des repos ne serait pas pour rien dans ce phénomène inquiétant qui met la Fed dans le rôle d’ange gardien d’un marché vital pour le système bancaire. Une de leurs stratégies favorites consiste à acheter des obligations du Trésor en cédant des contrats à terme sur les taux d’intérêt. Puis à les utiliser pour garantir des prêts en espèces sur le marché des repos. Ils ont en effet accès à celui-ci via l’agence gouvernementale Fixed Income Clearing Corporation qui gère le règlement des obligations à taux fixe, notamment les titres du Trésor américain. Fouiller dans les recoins du système financier est toujours instructif !
Quant à la Fed, elle n’a pas le choix. Cette situation ne lui est pas réservée, les banques centrales sont condamnées à continuer d’injecter des liquidités dans le système financier pour qu’il ne connaisse pas de blocage, et à maintenir bas les taux obligataires afin de rendre la dette soutenable. Telles sont les deux nouvelles missions auxquelles elles ne peuvent désormais déroger, au grand dam de ceux qui dénoncent les « distorsions de marché » qui en résultent. On en arrive en effet à des situations inédites, l’Eurosystème détenant par exemple 80% de la dette souveraine allemande. Cette situation – faiblesse de l’inflation et de la croissance – peut être qualifiée à juste titre de « japonisation ». Un véritable repoussoir, car l’expérience montre que l’on n’en sort pas.
L’accroissement de la masse monétaire fait enfler une bulle financière incontrôlable, tous actifs confondus, et la baisse des taux obligataires rend la dette soutenable tout en favorisant une croissance soutenue de l’endettement. Avec comme problème l’absence de marche arrière dans les deux cas !