Le lancement de la monnaie numérique chinoise se prépare, comme il se doit dans le plus grand mystère. Les autorités font dans l’immédiat le ménage dans le pays pour lui laisser place libre. La banque centrale va renforcer la régulation et le contrôle des crypto-monnaies étrangères, visant les plateformes qui démarchent avec succès les chinois.
Ceux-ci se sont révélés très friands de ces nouvelles opportunités, comme l’a montré leur investissement de plus de 400 millions d’euros dans le « OneCoin », qu’ils ont perdu lorsque son égérie, qui n’hésitait pas à s’appeler la « CryptoQueen » (la reine de la monnaie numérique), a un beau jour disparu avec la caisse sans laisser d’adresse. Une gloutonnerie sévèrement punie qui n’est cependant pas de mauvais augure pour le projet gouvernemental chinois s’il parvient à la capter.
On sait donc encore peu de chose sur cette monnaie, sinon qu’elle sera assise sur la monnaie nationale, le yuan, et émise par la banque centrale pour être distribuée par les banques nationales afin de ne pas les court-circuiter. Et que, si la technologie Blockchain est utilisée comme préconisé par le président, ce qui ne se refuse pas, ce sera naturellement selon une version bridée restant sous le contrôle central du Parti-État.
Les ambitions affichées sont prudentes et mesurées : l’objectif est de ne numériser que partiellement la monnaie en circulation et il ne faut pas s’attendre à une révolution au sein du système bancaire, ce n’est pas le genre de la maison. Enfin, le terrain est propice, les chinois des villes utilisant massivement des applications Alipay ou WeChat de leur smartphone pour régler leurs achats, familiers avec le code en carré QR d’identification. La Chine a fait un nouveau grand bond en avant, cette fois-ci en direction de l’économie numérique, la couplant avec le renforcement du contrôle social.
Quels sont les véritables enjeux de la nouvelle monnaie ? Le renforcement de l’efficience des transactions est revendiquée, mais ce serait un peu court d’en rester là. Ce lancement s’inscrit pleinement dans le cadre des multiples dispositifs de surveillance de la société qui sont progressivement mis en place. Toutes les transactions seront en effet traçables et leurs auteurs identifiés, quoi qu’il en est dit. Au prétexte de lutte contre la fraude et les trafics en tous genres, ainsi que de celle contre ces jeux illicites dont raffolent les chinois, cette monnaie va parachever le système de contrôle social, car comment distinguer les bonnes et les mauvaises transactions comme il est prétendu, si ce n’est en les surveillant toutes attentivement ?
À terme plus lointain, un autre objectif cette fois-ci externe sera poursuivi: celui de s’affranchir du dollar et des institutions financières américaines lors des transactions commerciales internationales. L’extraterritorialité du droit américain perdra ses effets.
PS : La fragilisation du statut du dollar progresse lentement mais surement. Comme y contribuera, par exemple, l’abandon prévisible à terme de la parité fixe liant le rial saoudien au dollar, qui le survalorise alors que le Royaume enregistre désormais un déficit budgétaire.
Pour ce qui est de la surveillance des paiements effectués par les personnes et les entreprises je ne vois pas bien ce que cette monnaie (qui n’est ni plus ni moins « numérique » qu’un chèque ou une cartes de crédit) va changer. Ce qui importe c’est la facilité avec laquelle il est possible d’archiver puis surtout de consulter les échanges d’argent grâce à l’informatique.
À moins que ça facilite la disparition des billets de banque?
Certes, seule la monnaie papier (au porteur) garantit l’anonymat. Mais même le fisc n’a pas si facilement accès aux relevés bancaires dans nos pays. Dans le contexte chinois, la monnaie numérique offrira un boulevard à la surveillance.
Il est vrai que si ce genre de monnaie est utilisée pour les transports en commun, les péages et les stations service, les restaurants et les cantines, les magasins, les spectacles les hôtels, etc, on pourra suive à la trace n’importe qui en temps réel…