Que va-t-il advenir de l’Europe à force de s’arc-bouter sur la rétention budgétaire ? Bonne fée des banques, la BCE protège la monnaie commune et soulage les budgets nationaux en pesant sur les taux obligataires, un pis-aller qui rencontre ses limites. Et les petits accommodements complices destinés à réduire les déficits et l’endettement n’ont que des effets marginaux. Oui, sur quoi cela va-t-il déboucher ?
Un petit détour par la crise sous ses aspects politiques s’impose. Elle s’est calmée en Allemagne, où les prétendants à la succession d’Angela Merkel via l’accession à la direction de la CDU/CSU ont levé le pied, comme s’il n’était pas raisonnable de guerroyer dans un tel contexte économique. En Espagne, on attend ce qui va sortir de l’accord entre le PSOE et Podemos, l’ERC catalane posant ses conditions à son soutien. Au Portugal, les socialistes restent à la tête d’un gouvernement minoritaire, tandis qu’en Grèce la droite règne sur le désastre. La Belgique est depuis presque un an sans gouvernement, et la formation de celui de l’Autriche reste en attente. Rien de bien encourageant, alors que le pire peut à nouveau survenir d’Italie.
Le mouvement des 5 étoiles additionne des défaites électorales régionales propres à mettre en péril sa coalition de circonstance avec le parti démocrate bâtie pour barrer la route à Matteo Salvini. Et ce dernier attend patiemment son heure. À l’image de Marine Le Pen en France, le leader de l’extrême-droite italienne a certes mis de l’eau dans son vin, mais a-t-il vraiment modifié ses intentions ? Ne pouvant pas faire campagne contre le maintien de l’Italie dans la zone euro, les italiens y restant favorables, il lui reste à s’y prendre autrement.
La désagrégation de l’Europe peut en effet emprunter un autre chemin que la sortie brutale d’un pays, comme cela a bien failli se faire avec la Grèce où les autorités européennes ont finalement retenu leur coup. Minée de l’intérieur par une politique budgétaire contraignante dont on voit mal qui pourrait l’infléchir, la zone euro est entrée dans un processus de désagrégation où la dynamique du chacun pour soi s’affirme. Dans un tel contexte, des provocations bien calculées se révéleront dévastatrices et cela sera le but recherché.
Lors de l’épisode italien précédent, la création d’une monnaie parallèle avait été envisagée, puis abandonnée. Elle peut facilement ressurgir, Matteo Salvini n’étant pas spécialement enclin à respecter des règles qui craquent déjà, utilisant comme instrument de chantage son droit de veto lorsqu’il accédera de nouveau au pouvoir, sur son mode triomphant, pour menacer de bloquer les grandes décisions. Seuls des petits pas mesurés resteront dans ces conditions à portée, qui n’enrayeront pas la dynamique du délitement. Le gouvernement italien actuel pourrait d’ailleurs anticiper une telle conduite en paralysant la réforme du Mécanisme européen de stabilité lors du sommet du mois prochain. Mais à force de tendre la corde…
Entre respecter à la lettre les règles de déficit et d’endettement et la nécessité d’investir en grand format, comme la nouvelle présidente de la BCE vient de le prêcher, il n’y a pas de voie médiane. En Allemagne, où l’affaire s’est nouée et ne donne aucun signe tangible d’être dénouée, les organisations syndicales et patronales ont réclamé ensemble une politique d’investissement. Mais, symbole pour symbole, la coalition gouvernementale a refusé en retour toute mise en cause de la règle du déficit zéro… L’ordolibéralisme dicte sa loi contre vents et marées dans toute l’Europe.
ci joint un peu de prospective:
http://www.lacrisedesannees2010.com/2019/11/la-bce-va-t-elle-devenir-une-institution-de-type-proto-etat.html
Nécessairement à conseiller vu l’aspect pédagogique agrémenté d’exemple(s).