Le commissaire Pierre Moscovici et Mário Centeno, le président de l’Eurogroupe, ont comme il se doit salué dans les propos du ministre des Finances allemand Olaf Scholz « une percée » et annoncé que « nous pouvons être plus optimistes que jamais ». Mais ils ont pris leur désir pour la réalité lorsque l’on creuse un peu le sujet de l’Union bancaire qui revient sur le tapis.
Le ministre allemand a mis parmi les conditions de déblocage de la garantie européenne des dépôts prévue à l’Union bancaire une forte nuance, la suppression de la convention selon laquelle les obligations souveraines ne seraient pas porteuses de risque. Ce qui impliquerait une augmentation des fonds propres des banques en proportion. Roberto Gualtieri, son homologue italien, a vite réagi. Pas question d’entrer dans ce jeu, étant donné ses implications qui déstabiliseraient les banques. Il prétend les en préserver dans toute l’Europe, mais c’est le sort de ses propres banques qu’il a en tête. Car elles sont connues pour détenir à leur bilan une masse d’obligations souveraines italiennes, permettant à l’État de supporter son énorme endettement.
La mariée était donc un peu trop belle, une des conditions énoncée par Olaf Scholz supposant non seulement une sévère cure d’amaigrissement du montant des prêts non recouvrables, mais également l’évacuation de la dette publique des bilans des banques privées, à moins que leur recapitalisation n’intervienne. Avec sinon pour inévitable conséquence une forte hausse des taux obligataires italiens s’il fallait chercher preneur sur le marché.
Or les investisseurs sont déjà suspicieux à l’égard de cette même dette. Son taux est supérieur à celui de la dette grecque sur le marché, où le risque de la Grèce est considéré inférieur à celui de l’Italie. Un paradoxe qui ne s’explique pas seulement par le fait que les investisseurs font aussi de la politique à leurs heures en saluant le retour de la droite en Grèce. Car les hedge funds n’y sont pas pour rien, après avoir flairé la bonne affaire. Ceux qui ont investi dans la dette grecque ont ainsi réalisé d’importants bénéfices, à la baisse des taux a correspondu une forte hausse de la valeur des titres détenus.
À l’arrivée, le premier des deux pays est ressenti comme ayant sa crise derrière lui et le second comme n’en étant pas sorti… Les banques grecques ne sont pas en meilleur état que les italiennes, et les dettes publiques des deux pays sont toutes deux hors normes, mais cela fait une sacré différence.
Procédant par comparaison, continuant à chercher des opportunités pour placer leurs capitaux, les investisseurs en oublient que l’avenir de la Grèce est loin d’être réglé. Il repose sur un taux de croissance obligatoire d’autant plus hors d’atteinte que la croissance est durablement au plus bas dans toute l’Europe. Qu’espèrent donc les investisseurs qui se risquent à détenir de la dette grecque ? Ils pensent être protégés de toute restructuration, car celle-ci est très largement détenue par des institutions publiques qui feront tout pour l’éviter.
Dans cette affaire, Olaf Scholz a fait aussi de la politique, on s’en doutait un peu. Il a dans sa ligne de mire les élections internes à la présidence du SPD, dont les adhérents se révèlent sensibles aux sirènes de la gauche du parti.