L’endettement revient au premier plan de l’actualité financière, mais le discours sur la dette a changé. Les États dispendieux ne sont plus cloués au pilori, alors que les appels à l’investissement public se multiplient en pure perte en Europe, tandis que l’endettement mondial des entreprises non financières suscite désormais de sérieuses alarmes.
Dopé par les taux bas, celui-ci prend des proportions telles que beaucoup de ces entreprises endettées ne pourraient en affronter la hausse. Nombre d’entre elles sont déjà des zombies, ne survivant qu’en empruntant pour payer les intérêts de leurs emprunts, ou bien grâce au crédit bancaire, car les établissements financiers ne tiennent pas à enregistrer des pertes et assurent leur survie.
Pire, ces bas taux incitent les entreprises à emprunter, et les investisseurs, qui désertent les marchés obligataires au rendement négatif et ceux d’actions où ils ne se sentent plus à leur place, répondent à leur demande. Une des raisons de leur départ étant que certaines de ces entreprises sont à l’origine de la hausse enregistrée sur les places boursières, que l’on retrouve empruntant pour racheter leurs actions et en faire monter le cours…
Les opérations de rachat avec effet de levier des entreprises, sont comme on sait financées par leur endettement. Or, leur remboursement de ces dettes dépend de la réalisation de plans d’affaires gonflés et hasardeux. Résultat, de nombreuses faillites sont à attendre parmi elles si les taux augmentent, le montage étant très fragile à l’image de tout le système financier. Le marché des effets de levier représente en effet 3.000 milliards de dollars, selon Fitch Ratings.
Les conséquences d’une telle hausse des taux seraient telles qu’il peut en être déduit que les banques centrales ne sont pas prêtes de sitôt à relever leur taux pour ne pas être celles par qui le malheur arrive. Selon le FMI, « En cas de ralentissement marqué de l’activité, dans le plus sombre des scénarios, 40 % de la dette des entreprises dans les huit plus grandes économies, soit 19.000 milliards de dollars, seraient exposés à un risque de défaut… ». Or, selon l’OCDE, la part des emprunts obligataires déjà notés BBB – note en dessous de laquelle la probabilité de faillite est élevée – est de plus de 54 % aujourd’hui.
La dette est au centre du fonctionnement du système financier et son volume qui ne cesse de croître anticipe d’une richesse future que les taux de croissance actuels de l’économie ne vont pas créer. C’est une fuite en avant par excellence.
La réalité finie tjs par nous rattraper !
Quand un problème est trop embarrassant, il y a toujours la possibilité de regarder ailleurs (Frédéric Lordon, à propos d’autre chose).
Il suffit que ceux qui regardent ailleurs soient assez nombreux pour décrédibiliser ceux qui ont la prétention d’étudier la question et de rechercher des solutions.
En l’occurence il est d’autant plus facile de ne pas voir ce qu’on n’a pas envie de voir que les trillons de dollars de la bulle spéculative qui nous menace ne sont ni directement perceptibles ni même concevables par la plupart d’entre nous.