Par une sombre journée

L’heure est grave, elle est à la réflexion ! De tous les coins fusent des appels à l’engager, mais ils tournent le plus souvent court, les hétérodoxes ne sont décidément pas légion. Le monde financier est instable, des phénomènes inédits et surprenants se multiplient, mais aucune alternative tangible ne prends corps.

Ce constat une fois établi, on reste sur sa faim, comme si les changements à opérer étaient impensables étant donné les mises en cause qu’ils supposeraient. En d’autres termes, comme si le capitalisme renâclait à se réformer en profondeur pour ne pas prendre le risque de sa destruction. Quelle surprise !

Une exception doit-elle être consentie à Elizabeth Warren, qui porte en concurrence avec Bernie Sanders les espoirs de la gauche américaine ? Elle ne se revendique pas comme lui du « socialisme démocratique » et se déclare en faveur d’un changement profond et structurel du capitalisme. Sans vouloir faire la fine bouche, vu ce que représenterait son accession à la présidence, on se permettra d’émettre quelques doutes sur ce programme…

À tout seigneur, tout honneur, les banques centrales ont tiré les premières. Des deux côtés de l’Atlantique, Jerome Powell et Christine Lagarde ont annoncé engager un bilan d’activité et une réflexion, se voulant rassurants en affirmant que leur boîte à outils est encore pleine de ressources. N’ayant pas l’intention de reconnaître être dépassés par les évènements depuis qu’ils ont pénétré dans ces fameux territoires inconnus dont on ne sait plus comment sortir.

Les grands patrons américains du Business Roundtable ont aussi réfléchi à haute voix sous un autre angle, celui de leur responsabilité sociale. Ils ont jeté aux orties la mission sacrée consistant à satisfaire leurs seuls actionnaires pour l’élargir à leurs employés, à la communauté et au bénéfice de l’environnement. Une révolution doctrinale qui a suscité quelques doutes sur sa sincérité dans l’attente de sa concrétisation. Toutefois, en raison de son impact, elle a conduit le Financial Times à lui accorder un éditorial qui se conclut platement ainsi : « pour prospérer dans l’avenir, les dirigeants doivent prendre en compte la bonne santé des sociétés dans lesquelles ils évoluent ». Si c’est tout ce qu’il faut en attendre…

Lawrence Summers, désormais célèbre pour avoir popularisé le concept de « stagnation séculaire » due à une insuffisance chronique de la demande, observe que l’Europe et le Japon sont tombés dans « un trou noir de la politique monétaire ». Sans profond changement, il n’y a selon lui pas de perspective de retour aux taux positifs, les États-Unis au bord de la récession se préparant à y tomber à leur tour. Il appelle à de nouvelles idées et de nouvelles politiques, car ni les économies désormais au fond de ce trou, ni les banques centrales qui se focalisent sur le ciblage de l’inflation ne peuvent atteindre leur objectif, ni stabiliser la production et l’emploi. Pour lui, il n’y a qu’un seul antidote : « la stimulation des dépenses saines ». C’est un peu court et décevant.

L’audace n’est pas au rendez-vous. Plus d’une décennie d’une crise qui n’en finit pas n’est pas suffisant. Que faudra-t-il donc qu’il survienne encore pour que les problèmes soient pris à bras le corps ? Le seront-ils jamais si l’on compte sur ces seuls bons esprits ?

2 réponses sur “Par une sombre journée”

  1. Même si on sait pertinemment que ça ne fonctionne pas, c’est bien connu, quand on ne sait plus quoi faire on fait ce que l’on sait faire. C’est tout aussi vrai pour l’industrie financière que pour sa mortifère consœur nucléaire.

    Dans la série troubles psychiatriques sérieux, on vient d’apprendre que le gouvernement vient de publier une feuille de route conduisant à la construction de six EPR sur les quinze prochaines années.

    https://www.boursorama.com/bourse/actualites/nucleaire-l-etat-songerait-a-construire-six-epr-le-monde-e3ec0dd4db87dcdfec6b95df28445db9

    Quoi de plus logique que de lancer la fabrication de six EPR, quand le seul chantier de Flamanville tourne à la catastrophe industrielle et financière majeure avec un quasi quadruplement des coûts et des délais initiaux ?

    La trajectoire de tous ces desperados ? Droit dans le mur et en klaxonnant !

  2. Renouveler le parc nucléaire vieillissant en engageant de nouveaux chantiers…La remarque de Roberto Boulant vient à point.
    Le nucléaire entre sans doute dans la catégorie « stimulation des dépenses saines »…
    Que faudra-t-il donc qu’il survienne encore pour que les problèmes soient pris à bras le corps ? demandez-vous.
    Réponse: une catastrophe nucléaire. N’ayez crainte. Elle viendra.

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