Désormais, il ne peut plus être reproché aux commentateurs financiers d’être inattentifs aux comportements inhabituels des marchés. Ils ne veulent pas prendre le risque de ne pas voir venir une nouvelle crise aiguë. Chat échaudé craint l’eau froide. Alors, vu leur multiplication, les alertes ne manquent pas, on ne sait jamais car on ne sait plus.
L’endettement privé connait une plus forte progression que celui des États, mais il n’est retenu que le caractère dispendieux de ces derniers. De telles œillères évitent de reconnaître que la croissance reposant sur l’endettement a ses limites et qu’elles sont atteintes, car il devrait en résulter une critique proprement insupportable de l’allocation du capital au sein d’un système financier dévoyé.
Ce n’est pas une découverte, ayant fait l’objet de mises en garde répétées des organisations internationales ces dernières années, mais le niveau d’endettement des entreprises qui baignent dans un océan de dettes pose un sérieux problème.
Aux États-Unis, son stock a doublé depuis 2008. La solidité financière des entreprises américaines s’est en général considérablement dégradée. Le résultat opérationnel de près de 30 % des sociétés capitalisées en dessous d’un milliard de dollars ne couvre même pas les charges d’intérêts. De manière imagée, ces entreprises sont dénommées « zombies » car elles sont des morts-vivants.
On constate ainsi une grande disparité de situation parmi les entreprises, celles du S&P 500 ayant plus profité de la croissance et vu leur bénéfice net augmenter en trois ans de 50%, tandis que celles suivies par le Bureau of Economic Analysis ne progressaient que de 6%.
La faiblesse des taux obligataires – cette bonne occasion – contribue indéniablement à l’accroissement de l’endettement. Dans un pays où les entreprises se financent directement sur le marché, elle permet de refinancer à moindre coût les dettes passées et de procéder à l’achat de ses propres actions au profit de ses actionnaires.
On n’ose penser ce qu’il adviendra des entreprises zombies en cas de hausse des taux obligataires. Et de l’économie américaine tout entière, étant donné leur poids en son sein. La persistance des bas taux est le seul garde-fou, comment en être assuré sur le long terme ?
On ne dispose pas de statistiques équivalentes pour l’Europe, mais on peut toutefois enregistrer que l’endettement des entreprises françaises représente 1.691 milliards d’euros, après avoir connu une rapide progression de 106,3 milliards d’euros pour les seuls douze derniers mois selon la Banque de France.
L’alerte à propos de l’importance prise par les entreprises zombies a été donnée par l’OCDE, le FMI et même la Banque des règlements internationaux (BRI), mais comme dans de nombreux autres domaines, elles ne sont pas entendues et prêchent dans le désert. Avec une persévérance qui mérite d’être saluée, les acteurs de l’économie et des finances poursuivent leur logique destructrice. On ne viendra pas dire de surcroît qu’ils se régulent au mieux par eux-mêmes…
Bonjour François,
Vous ecrivez :
« On n’ose penser ce qu’il adviendra des entreprises zombies en cas de hausse des taux obligataires. Et de l’économie américaine tout entière, étant donné leur poids en son sein. La persistance des bas taux est le seul garde-fou, comment en être assuré sur le long terme ? »
La hausse des taux conduira à un effondrement général que tous craignent. Ne pensez vous pas que la situation actuelle de taux bas et de fuite en avant continue encore 10/20/30 ans afin justement de reculer le plus possible l’échéance ?
L’effondrement pouvant être provoqué entre temps par une autre cause (guerre, catastrophe climatique, etc …).
Les dés étant tellement pipés, je m’interroge sur la poursuite de cet environnement non conventionnel sur une très très longue période.
Me posant la même question, je pense que personne n’a intérêt à ce qu’ils remontent. Reste la question du pouvoir et des leviers de ceux qui le détienne comme incertitude dans le passage à ce qui est convenu de nommer la transition énergétique, transition qui peut durer un certain temps avec ses aléas, parmi lesquels la disparition d’activités, de métiers et donc d’entreprises… demandant une gestion politique de tous ces bouleversements sociaux et donc une lutte politique entre ceux qui veulent rester aux manettes pour éviter le pire et ceux qui veulent prendre les manettes pour les mêmes motifs mais en sens contraire.
Je poste ce commentaire comme une bouteille à la mer ou un essai de commentaire );-) car depuis un certain temps déjà je suis « OUT », ne pouvant commenter ni sur les blog Jorion ni sur le blog Leclerc.
Bizarre.
en tout cas, Hervey, votre bouteille est arrivée à bon port, même le Capitaine du blog vous a répondu 😉
« évitons les passions tristes ! »
Combien de temps cela va-t-il durer sur ce mode ? L’hypothèse est qu’il est installé…jusqu’au prochain changement !