Le procès de la politique d’achats obligataires de Mario Draghi se poursuit et s’intensifie dans le but manifeste de faire fléchir la nouvelle présidente de la BCE. Le PDG d’Allianz, le leader européen de l’assurance, a été entendu hier, c’est aujourd’hui au tour de Frédéric Oudéa, le PDG de la Société Générale, qui est intervenu au nom de la Fédération française des banques dont il vient de prendre la présidence.
L’accusation a trouvé avec lui un nouvel angle d’attaque. La BCE ferait obstacle à la consolidation tant attendue du secteur bancaire européen en soutenant abusivement ses banques les plus fragiles. Or les mégabanques européennes voient dans celle-ci une formidable occasion d’alimenter leur croissance externe afin d’accroître encore leur gigantisme.
Cette critique n’est pas partagée par un autre Français, Jean-Pierre Mustier, devenu le PDG de la banque italienne Unicredit, dans son rôle de grand frère protecteur du tissu de petites banques du pays. Il a au contraire appelé la BCE à acheter des obligations émises par les banques afin de baisser le coût de leur financement et de les aider ainsi.
Une toute autre offensive se profile à l’horizon qui consisterait à baisser les objectifs d’inflation de la BCE, fixés aujourd’hui comme « proches mais en dessous de 2% à moyen terme ». L’argument sur lequel repose la politique actuelle de celle-ci, à savoir atteindre les objectifs d’inflation, disparaitrait du même coup. Il suffisait d’y penser ! Après avoir rappelé qu’initialement, Otmar Issing était alors l’économiste en chef de la banque centrale, sa mission de maintien de la stabilité des prix se résumait à ce que l’inflation ne dépasse pas 2%. C’est par la suite que l’objectif a été précisé.
On se souvient qu’au contraire Olivier Blanchard, du temps où il était économiste en chef du FMI, avait préconisé d’élever le taux d’objectif afin de justifier la relance de l’économie par le crédit. Comme de nombreux ratios de cette pensée économique se voulant scientifique, ce taux se révèlerait finalement très politique ?
Daniel Gros, un économiste allemand à la tête d’un think tank bruxellois, le confirme sans le vouloir. Selon lui, se focaliser exagérément sur les objectifs d’inflation distrairait de plus importants buts comme la discipline budgétaire – qui devrait être privilégiée, on s’en serait douté – et la stabilité financière.
À ce dernier égard, les récentes secousses sur le marché des repos américain ne lui donnent pas raison. Le prix à payer pour sa stabilisation repose sur une injection quotidienne de liquidités de la Fed, qui se prolonge, et pourrait aboutir à une relance du programme d’achats obligataires. Tout le contraire des préconisations de Daniel Gros et de ceux qui estiment que les bas taux obligataires qui en résultent représentent une prime à l’irresponsabilité des gouvernements dispendieux.
Bienvenue Christine Lagarde !