Les grands instituts d’études du pays revoient à la baisse leurs prévisions de croissance et tablent désormais sur une croissance de 0,5% cette année et le ministre de l’Économie Peter Altmaier clame « nous n’avons actuellement pas de crise économique. Il n’y a pas de risque de crise économique. Je reste convaincu qu’un débat sur l’équilibre budgétaire n’est ni justifié ni opportun ». Signe qu’au contraire celui-ci est engagé. Les mêmes instituts y contribuent en suggérant de renoncer à l’équilibre budgétaire si le ralentissement s’accentuait.
L’heure est à la crispation outre-Rhin, où la virulente campagne critique saluant le départ de Draghi bat son plein, sans doute dans l’espoir d’intimider Christine Lagarde, si d’aventure elle entendait poursuivre sa politique comme il semble bien. Cela ne peut que s’amplifier, puisque les dogmes y ont toujours raison.
La crise que traverse l’industrie automobile est au centre de l’attention, car elle va rejaillir sur l’ensemble de l’économie allemande, notamment dans les services qui pour l’instant ne sont pas atteints, et fortement peser sur l’emploi. Dans un premier temps, c’est le vaste ensemble de ses sous-traitants qui va encaisser le choc résultant de la baisse des ventes, les travailleurs de ce secteur ne bénéficiant pas des protections de ceux de Volkswagen, BMW ou Mercedes. Les faits sont là, la production automobile a chuté de 12% durant les 7 premiers mois de l’année comparé à 2018, et les responsables du secteur s’attendent à une réduction d’un tiers de la production par rapport à son pic.
L’avènement de la voiture électrique remet non seulement en question la poursuite de cette production de qualité, fer de lance des exportations, mais également son poids dans l’économie allemande. Cette voiture n’aura pas besoin de composants sophistiqués pour sa motorisation comme les véhicules actuels, tandis que la production de batteries deviendra le cœur du métier et que l’Allemagne ne pourra plus prétendre à la supériorité de sa production dans ce domaine.
L’avenir de l’industrie automobile n’est donc pas radieux, car il ne suffira pas d’investir pour retomber sur ses pieds. Non seulement la crise n’est pas conjoncturelle, ses aspects structurels l’emportant désormais sur l’épisode du diesel qui l’a déjà plongé dans la tourmente, mais elle fait face à une rupture structurelle et non pas à un simple changement. Cet avenir l’est d’autant moins que l’administration américaine doit se prononcer le 13 novembre prochain sur l’augmentation des tarifs douaniers sur les importations automobiles européennes qui pourraient passer de 2,5 % à 25 %. Dans le contexte actuel, cela n’est pas invraisemblable.
Plus la situation économique et sociale allemande va se détériorer, plus le débat sur le respect de la règle allemande du déficit zéro va s’élargir. Mais l’audace n’ira pas jusqu’à bousculer celles du Traité européen, ce verrou qui bloque tout. Sans doute se contentera-t-on d’aménagements, un obscur débat entre économistes étant en cours à propos du calcul de la « croissance potentielle » dont la valeur supposée sert à pondérer celui du déficit budgétaire. Ne pouvant jouer gros, ils jouent petit. À suivre…
L’ère de l’État-entreprise
https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/MUSSO/59844