Un changement de cap étant hors de question, l’heure des petits ajustements de la politique européenne a sonné. Pas de quoi pavoiser.
Le Premier ministre de la nouvelle coalition italienne, Giuseppe Conte, l’a traduit en se contentant de demander « une amélioration du pacte de stabilité », sous-entendu une plus forte flexibilité et souplesse budgétaire, avec pour but de « soutenir les investissements, dont ceux permettant un développement respectueux de l’environnement et équitables sur le plan social ».
La Commission travaille de son côté à « une révision substantielle » du Pacte faussement dénommé « de stabilité et de croissance », en reformulant ses règles au prétexte de sa complexité. Éludant au passage d’en reconnaître les effets contraires à ses intentions proclamées.
Entre la nouvelle Commission et la nouvelle équipe gouvernementale italienne, il va bien falloir trouver un terrain d’entente. Car il est également hors de question de déclencher une crise qui serait d’une toute autre ampleur que celle de la Grèce.
Mais il y a un autre aiguillon aux évolutions qui se préparent, qui ne sont pas étrangères aux doutes qui se répandent en Allemagne. Le pays est au bord de la récession et traverse une double et profonde crise, de son modèle économique et de son système politique. Et lorsque son ministre social-démocrate des Finances , Olaf Scholz, proclame au Bundestag que « au vu des bases solides dont nous disposons aujourd’hui, nous sommes en mesure de parer à une crise économique avec des milliards d’euros », on peut se demander si c’est de la forfanterie ou de l’inconscience.
Le ministre avait sans doute en tête le projet de création de nouveaux organismes publics qui pourraient emprunter pour investir dans les infrastructures et la lutte contre le dérèglement climatique, sans remettre en cause les règles européennes strictes encadrant la dette publique. Car la dette contractée serait assujettie aux règles allemandes qui imposent le quasi-équilibre budgétaire, plus faciles à modifier que celles du Pacte.
Mieux encore, Peter Altmaier, le ministre de l’Économie, a évoqué la création d’une fondation de droit privée à but non lucratif, qui pourrait émettre des prêts à taux zéro dédiés au financement de projets de lutte contre le dérèglement climatique, pour un montant de 50 milliards d’euros. Les emprunts réalisés par celle-ci n’entreraient pas dans le champ d’application des règles imposant au gouvernement l’équilibre budgétaire.
Les autorités allemandes semblent se préparer à aller plus loin en assouplissant leur position à propos du troisième volet de l’Union bancaire, l’assurance européenne des dépôts. Ils y étaient farouchement opposés, mais le sort qui s’acharne sur la Deutsche Bank et Commerzbank, ces deux fleurons de la banque privée, a pu contribuer à la réflexion : le danger ne viendrait pas nécessairement des banques du sud de l’Europe et la mutualisation ne serait pas nécessairement au désavantage de l’Allemagne…
Les commentateurs commencent à s’interroger : et si la nouvelle faiblesse de l’Allemagne créait des opportunités d’évolution auxquelles ses représentants faisaient auparavant barrage ? et si la nomination d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission allait également y contribuer ? Ils auraient toutefois tort de penser que le printemps est arrivé, les autorités politiques allemandes n’ont en vue que leur intérêt national étroitement pensé et ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. La prospérité allemande est étroitement dépendante d’un monde entré en crise, affectant les débouchés d’un appareil de production qui s’est reposé sur ses lauriers et se retrouve en retard d’un métro. Que l’Allemagne puisse tirer seule son épingle du jeu, n’est pas très réaliste dans ces conditions.