Une fois de plus, les commentateurs financiers restent suspendus aux décisions des banques centrales. C’est particulièrement le cas en Europe, où la BCE prépare un nouveau train de mesures dans un contexte récessif prononcé.
Celui-ci appelle une réponse « percutante » de la part de la banque centrale, si la préconisation d’Olli Rehn, l’un des membres de son conseil, l’annonce bien. « Lorsque vous avez affaire aux marchés financiers, il est souvent judicieux de donner davantage plutôt que décevoir, et il est préférable d’avoir un ensemble de mesures politiques très solide », a-t-il commenté. Mais le gouverneur n’a pas été jusqu’à détailler les options dont la banque centrale dispose.
Une idée est dans l’air, selon laquelle la BCE pourrait relancer son programme d’achat d’actifs et acheter cette fois-ci des actions et non plus des obligations. Car elle va devoir faire preuve de créativité, s’étant elle-même coincée en adoptant des quotas d’achats des titres souverains pays par pays, et ne trouvant plus de titres allemands afin de respecter cette règle. Une telle décision ne manquera pas de faire des vagues si elle est prise. Il en résulterait assurément une hausse sur le marché des actions, certes toujours bonne à prendre, mais elle aurait aussi pour conséquence une nationalisation partielle des entreprises dont les actions seraient achetées. Et, au sein d’un système financier déjà très assisté, le rôle de cette entité publique qu’est la BCE en sortirait encore renforcé. Sans que cela produise nécessairement les effets escomptés.
L’exemple du Japon, agité de temps à autre comme un épouvantail comme s’il nous pendait au bout du nez, justifie en effet de s’interroger. Depuis des années, la Banque du Japon (BoJ) achète des actions des entreprises japonaises cotées en Bourse et en détient des centaines de milliards d’euros, souvent indirectement via des ETF (fonds négociés en Bourse). Elle détient environ 75% de ces produits financiers et fait partie des 10 premiers actionnaires de 40% des sociétés japonaises.
La BoJ est devenue l’artisan d’une nationalisation rampante. Principale intervenant sur le marché d’actions, elle y crée des distorsions en soutenant les prix à court terme et en intervenant sur le rapport entre l’offre et la demande de titres. Elle tend à faire le marché des actions après avoir fait celui des obligations. Mais l’inflation ne décolle toujours pas, l’exemple donné n’est pas spécialement probant.
Il va falloir se rendre pleinement à l’évidence. Ce nouveau monde qui peu à peu se révèle et finit à force par être reconnu ne tourne plus comme avant. Ce ne serait pas grave en soi, si l’assistance indispensable des banques centrales suffisait à le stabiliser, mais ce n’est pas le cas. Il est pris dans une fuite en avant dont il ne peut rien sortir de bon. Une remise en cause drastique de son modèle serait nécessaire, dont le capitalisme est en définitive incapable. Quel rapport de force l’imposera ?
Une gigantesque bulle s’est constituée qui dépasse toutes les précédentes. Et pour cause, c’est celle de la masse des actifs financiers qui ne cesse de croitre à la faveur des injections de liquidités des banques centrales et de leur allocation spéculative. Les conséquences dévastatrices de son éclatement sont impensables, et la maitrise de son dégonflement ordonné supposerait une autorité qui fait défaut. Nous nous trouvons devant un phénomène de même nature que celui des profondes atteintes à notre environnement terrestre. Y remédier semble tout autant hors de portée. La chute finale est-elle inéluctable, donnant raison aux experts en collapsologie ?
Si nous inversons la focale, les rachats d’actions par une banque centrale ne marquent pas la nationalisation rampante des entreprises mais son exact inverse : la privatisation rampante des États. Si dans sa plus large acception le néolibéralisme consiste pour les intérêts privés à prendre le contrôle des outils étatiques pour les faire fonctionner à son seul profit, ce serait maintenant au tour des banques centrales qui en achetant des actions deviendraient les otages des entreprises.
C’est la chute finale, groupons-nous et demain la collapsologie sera le genre humain (tsoin).
Bonjour
Qu’est ce qui empêcherai alors à la BCE de racheter les actions de sociétés ou banques zombies telle Deutche Bank et ainsi de socialiser au niveau de la zone euro les pertes ou l’éventuelle faillite de ces sociétés ?
Le rachat de la dette grecque a permis de sauver les banques allemandes et françaises avec les conséquences que l’on connait pour la population hellène.
L’Espagne l’a fait au niveau de sa bulle immobilière avec la Sareb dont l’Etat espagnol est partie prenante au travers de la FROB.