En fin de mandat, Ewald Nowotny, membre sortant du Conseil des gouverneurs de la BCE, a retrouvé sa liberté de parole et nous en fait profiter. « Je suis sceptique quant à savoir si de nouvelles mesures expansionnistes auraient vraiment un impact positif sur l’économie réelle » affirme-t-il, avant d’en tirer la conclusion : « Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de reprendre ce programme. Nous devons nous préparer à une longue phase de croissance atone, de faible inflation et d’endettement élevé. »
Dans un océan de paroles contraintes et de non-dits, des éclairs de vérité jaillissent de temps en temps. Simultanément, la publication de l’enquête mensuelle d’IHS Markit auprès des directeurs d’achat – qui fait autorité – ne donne pas spécialement tort au gouverneur, en tout cas dans un proche avenir. La croissance de la zone euro a encore ralenti en juillet, et la contraction qui s’aggrave dans le secteur manufacturier commence à avoir un impact sur le secteur des services qui sauvait jusqu’ici l’ensemble. Partout, la décroissance est en vue. De l’inflation n’en parlons même pas ! La « japonisation » de l’Europe est devenue un danger reconnu, évoquant le piège à liquidités dans lequel le Japon est tombé et qui l’attendrait, la Bank of Japan (BoJ) multipliant les mesures non-conventionnelles sans rien y changer.
La BCE tente de freiner le mouvement en favorisant la relance, n’espérant plus que les États s’y engagent après leur avoir si souvent demandé. Au risque des plus probables que ses injections financières alimentent à nouveau la spéculation au lieu de dynamiser l’économie réelle. Pour qui en douterait encore, une étude de Funcas, un think tank espagnol, qui porte sur les quatre années d’assouplissement quantitatif (QE) de 2015 à 2018 de la BCE, fait apparaître une augmentation des investissements en actifs financiers étrangers par les sociétés non financières de la zone euro. Pour environ 200 milliards d’euros par an. Quoi que le QE ait pu faire d’autre pour stimuler le crédit, il a pour le moins encouragé et facilité ces investissements financiers hors zone euro, ce qui n’était pas vraiment dans les intentions de la BCE.
Toutefois, un point est acquis. Pesant à nouveau sur les taux obligataires, ses futurs achats d’actifs rendront plus soutenable l’endettement public et privé et contribueront à stabiliser le système financier une nouvelle fois. À se demander d’ailleurs s’il ne s’agit pas là du véritable objectif poursuivi par la BCE, car on n’est pas obligé de la croire sur parole. On ne peut pas non plus penser qu’elle favorise volontairement la dépréciation de l’euro qui pourtant résultera de l’activation de ses programmes. Dans le contexte de la guerre monétaire engagée entre la Chine et les États-Unis, agir dans ce but serait prendre le risque que Donald Trump dénonce l’Europe pour manipulation des taux de change, une politique qu’il combat côté chinois tout en la pratiquant allègrement.
De quoi la BCE est-elle alors porteuse faute de la relance économique ? Il ne reste plus de disponible que la consolidation de l’édifice financier.