Ce n’est pas une surprise, Mario Draghi prépare le terrain pour l’arrivée de Christine Lagarde et va annoncer en septembre prochain un train de mesures. Les détails n’en sont donc pas connus, mais il est certain qu’elles vont marquer le mandat de celle-ci qui ne va avoir qu’à les avaliser. À ceux qui demandaient quelle politique la nouvelle présidente allait adopter, la réponse est apportée, c’est celle de son prédécesseur.
Le coup de main de celui-ci est d’importance. Il met tout son poids et son prestige dans la balance pour accréditer l’idée que cela va être un Big bang, alors qu’en réalité il va racler les fonds de tiroir. N’a-t-il pas été assez dit que la BCE était à fond de cale et qu’elle devait en priorité reconstituer ses marges de manœuvre ?
Ne soyons pas injuste, une nouveauté a été introduite hier lorsque Mario Draghi a dans son jargon qualifié de « symétrique » la cible d’inflation de la banque. Cela a comme incidence non négligeable qu’au cas où l’inflation dépasserait le seuil de 2% – une hypothèse assez aventureuse aujourd’hui – la banque n’interromprait pas nécessairement ses mesures accommodantes et pourrait les maintenir. En tout cas, cela donne du champ pour les calibrer aujourd’hui. Lorsque la cible était dite « asymétrique », il fallait être proche de ce seuil par valeur inférieure, nuance. Voilà qui confirme que la BCE ne peut plus se contenter de sa panoplie habituelle d’outils et qu’elle doit innover.
À sa manière, Mario Draghi a été sensible aux arguments de ceux qui depuis des mois préconisaient l’adoption d’une cible d’inflation plus élevée – comme Olivier Blanchard, l’ancien économiste en chef du FMI – arguant que le danger de l’hyperinflation n’était plus de saison. Ce qui autorise la banque centrale à accroître de nouveau la taille déjà respectable de son bilan.
Il n’y a qu’un pas, cette constatation faite, pour y trouver la confirmation que le système financier ne peut plus se passer de ces mesures et que le capitalisme est devenu assisté. Et que les banques centrales sont otages de ce système.
Une telle constatation a comme conséquence qu’elles sont condamnées à innover. Mario Draghi a fait preuve de pragmatisme là où ses prédécesseurs se complaisaient dans la rigidité, affrontant ceux qui par conformisme en refusaient la nécessité. Il n’a pas hésité à côtoyer l’ambiguïté avec certains de ses programmes dénoncés et poursuivis pour financement prohibé des finances publiques. Il vient de franchir le Rubicon d’une petite enjambée. Les prochaines devront être plus grandes, et c’est là qu’est attendue Christine Lagarde.
Va-t-il être longtemps possible de s’inquiéter sans rien faire de l’état de l’économie et de la voir se détériorer encore ? D’assister à une contagion à l’ensemble de la zone euro de la mauvaise passe que traverse l’Allemagne ? D’adjurer encore une fois les gouvernements afin qu’ils jouent la relance ? Le mandat de la BCE, qui ne va pas au-delà du maintien de la stabilité monétaire, freine toute nouvelle velléité de sa part. Et le contexte politique est – c’est le moins que l’on puisse dire – peu propice à son élargissement. Cela ne promet rien de bon.