La Grande Coalition allemande passera-t-elle l’hiver ? Afin de la sauver, Angela Merkel et la direction du SPD essayent de maitriser la grande confusion qui entoure en Allemagne la désignation d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne. Quoi qu’il en soit, une telle situation est significative : cette formule gouvernementale est en fin de vie.
Un document a mis le feu aux poudres à Strasbourg. Intitulé « Pourquoi Ursula von der Leyen est une candidate inadéquate et inappropriée ? », il émane du groupe des eurodéputés sociaux-démocrates allemands et a circulé au sein du groupe de l’Alliance progressiste des socialistes. Y sont listées sous forme d’argumentaire les raisons de ne pas la soutenir lors du vote au sein du Parlement européen, qui interviendra le 16 juillet prochain.
Le scrutin sera à bulletins secrets, autorisant chaque député à voter selon son bon vouloir ou intérêt, mais les pointages montrent que le résultat pourrait être serré, voire empêcher sa nomination. Et un scénario plausible la verrait élue grâce aux voix des députés italiens de la Ligue !
Si la candidate passe l’obstacle, mal élue, elle s’inscrira dans la lignée des présidents sans pouvoir de la Commission, comme l’a été José Manuel Barroso. Elle n’aura pas d’autre ressource que de s’appuyer sur ses deux futurs vice-présidents, Frans Timmermans et Margrethe Vestager, afin de former un triumvirat. Si elle ne le passe pas, s’en sera probablement fini de la Grande Coalition, le SPD ayant joué contre le candidat de la CDU. Et le Conseil européen devra en désigner un nouveau.
On ne peut pas dire que cette crise, qui reflète le désaccord qui divise le SPD à propos de sa participation à la coalition gouvernementale, intervient au meilleur moment. Donald Trump se prépare en effet à relancer son offensive contre l’Union européenne, ne se contentant pas cette fois-ci d’épingler le cas des voitures allemandes. Au menu, il aligne désormais les subventions à Airbus, la construction du gazoduc Nord Stream 2, la politique monétaire de la BCE de dévalorisation de l’euro, les barrières douanières anti-compétitives, et pour finir le projet du gouvernement français de taxation des entreprises américaines de l’économie numérique.
Son affaire prend actuellement corps, l’intention du président américain étant de diviser les gouvernements européens afin d’améliorer le rapport de force en sa faveur. Dans cet esprit, l’idée d’inclure les produits de l’agriculture dans de futurs accords douaniers n’a jamais été abandonnée, au grand dam des autorités françaises. La Commission va donc se trouver en première ligne avec une présidente affaiblie par les circonstances de sa désignation, puis de son élection si toutefois celle-ci intervient. Et personne n’est en mesure de prédire les intentions et le calendrier du président américain.
La Commission annonce des prévisions de croissance à la baisse, tandis que la BCE scrute précautionneusement ses indicateurs d’inflation future, tout en se demandant s’ils sont toujours fiables. L’Union européenne est-elle fin prête à subir les assauts du président américain qui peuvent facilement l’entraîner dans la récession ? À de nombreux égards, on peut en douter.