Quand je suis revenu du Brésil, où je vivais à São Paulo, il y a maintenant largement plus de dix ans, j’ai été beaucoup questionné sur ce que j’y avais vécu et ce que j’avais observé, et il m’a fallu trouver les moyens de transmettre au mieux ce que j’en avais retiré.
Phénomène bien connu, mon corps avait pris de l’avance sur ma tête, j’étais physiquement en Europe mais n’avais pas entièrement quitté le Brésil, ce qui m’incita à utiliser une formule destinée à choquer des interlocuteurs que je ressentais trop accrochés à des idées reçues, du genre musique et football. Je commençais en expliquant « j’ai vu au Brésil l’avenir de la France ! ». Je ne ratais jamais mon but mais ne produisais pas l’intérêt recherché, mes interlocuteurs me pensant sous le coup de l’émotion légitime que mon séjour de deux ans avait produit, des effets d’une rencontre qui allaient se dissiper quand je reviendrais sur terre. Il n’en a rien été et je persévère aujourd’hui dans ma vision, au vu de ce que j’observe Les phénomènes sont moins marqués mais la tendance est la même.
Les images du Brésil qui dominaient alors et la perception de l’époque de la société française ne concordaient pas avec la noirceur de ma prédiction. Le degré de pauvreté et des inégalités étaient sans conteste sans commune mesure. Et l’élection de Lula à la présidence avait par ailleurs accrédité l’idée que la faim et son cortège de misère allaient être éradiqués au Brésil.
L’écart entre la mauvaise fortune des brésiliens et la vie des français était trop grand, et, circonstance aggravante, la crise financière n’avait pas débuté. Je finis par garder pour moi ce qui pourtant me semblait déjà inscrit dans les faits. Mon immersion dans la société brésilienne, certes toute relative, m’avait plongé dans une réalité mondiale dont nous étions épargnés en Europe et qui nous était trop étrangère.
Pensez ! nous n’avions par exemple pas perçu que les États-Unis était un pays riche où vivaient beaucoup de pauvres. Ni que des phénomènes majeurs à maturité indécise imprimaient leurs effets sur toute la planète. Certains étaient pourtant connus, comme le développement incontrôlable des mégapoles – Lagos, Shanghai, São Paulo… – avec leurs détestables effets. D’autres étaient redoutés, comme la répartition de l’eau potable, et déjà les effets du réchauffement de l’atmosphère qui a l’époque n’étaient dénoncés que dans des cercles encore restreints. Aujourd’hui la liste des phénomènes planétaires qui nous menacent s’est considérablement allongée.
J’ai contemplé au Brésil la coexistence forcée de deux mondes, l’un vivant selon les critères occidentaux, le second rejeté dans une « tiers-mondisation » sans espoir. Tandis que les bonnes consciences prétendaient que la pauvreté reculait en général sous les effets de la mondialisation, ne voulant pas voir que les inégalités progressaient inexorablement.
C’est cela qui m’a le plus frappé. Deux sociétés se côtoyaient, l’une formelle – c’est à dire régie par l’État – et l’autre informelle organisée comme elle le pouvait. Le plus étrange pour moi, qui les côtoyais dans la vie courante, était que la société informelle était ignorée par les médias. Par un étrange phénomène de cécité collective, les riches affectaient de ne rien savoir de ce qui dérangeait la vision confortable de la société à laquelle ils appartenaient. Faisaient exception les révoltes sanglantes dans les prisons et les agissements d’organisations armées irréductibles contrôlant leurs territoires au sein des favelas de Rio, de Salvador ou de Belo Horizonte et des « quartiers périphériques » de São Paulo comme ils y sont pudiquement dénommés. Avec comme pendant une répression policière au rôle fonctionnel, hors de tout contrôle, ses acteurs bénéficiant d’une totale impunité. Rien n’a changé.
Quels recours ont les riches pour se protéger ? À l’extrême d’utiliser l’hélicoptère pour leurs déplacements, sinon des voitures blindées aux vitres teintées, et d’une manière générale de se calfeutrer derrière des murs de toute nature et de rester dans leurs quartiers de privilégiés. Ce ne sont pas les pauvres qui sont parqués derrière des murs, le Brésil est le pays des cages dorées. Avec le paradoxe que tous se retrouvent pour une fois égaux en affrontant une pollution atmosphérique dantesque dû à l’immensité de l’urbanisation (São Paulo qui s’étale sur une centaine de kilomètres a plus de 20 millions d’habitants) et vit au rythme de l’intensité de la circulation des véhicules à moteur.
Les violences policières sont endémiques. La violence a pour principale victime les pauvres, qui n’ont pas les moyens de se protéger des exactions. Ce n’est pas seulement par le revenu, l’habitat, la consommation, l’accès aux soins et le niveau d’éducation que la société d’en-bas se distingue.
L’économie informelle est une grande méconnue dans l’immensité du pays, de ses recoins comme de ses mégapoles. L’obtention d’un contrat de travail et ce qui l’accompagne est loin d’être le cas le plus fréquent. Et, si l’on cherche une illustration parlante de l’ampleur de ce secteur, de l’ordre de 90% des CD et des DVD sont issus d’une production pirate qui a sa propre organisation.
Si le Brésil est l’avenir de la France, ce n’est pas en raison de situation de départ fort différentes, ni de la dimension qu’y prennent les problèmes. Ce sont les tendances qu’il faut observer, c’est le point d’arrivée qu’il faut imaginer. Inégalités, violences, société duale sont dans les deux mondes en développement. Et l’économie informelle est tout autant méconnue en Europe, peu étudiée et mesurée, plus particulièrement au sud. Il y a deux manières d’effectuer la comparaison que je propose, en listant les différences et les ressemblances. Pourquoi ne s’en tenir qu’aux premières comme seule démarche ? Les secondes sont d’autant plus éclairantes qu’elles s’inscrivent dans une perspective d’avenir.
Je serais tenté de rajouter un autre parallèle : la cécité dans les deux pays des classes moyennes et moyennes-supérieures, qui croyant voter pour des gens qui vont défendre leurs intérêts, votent en fait pour leurs bourreaux.
Combien au Brésil n’ont pas supporté que leur domestique, qui refrain connu fait partie de la famille, doive avoir un contrat de travail grâce au gouvernement Lula ?
Combien ici ont voté pour M Macron en sachant la guerre qu’il ferait aux pauvres, mais sans imaginer un seul instant qu’ils seraient les prochaines victimes sur la liste ?
Quel dommage que nous ne puissions pas désinventer les armes thermonucléaires et leur promesse d’hiver nucléaire et de continents radioactifs. Une bonne guerre mondiale réglerait tous ces problèmes en quelques mois, en diminuant drastiquement le stock de gueux et en offrant aux économistes la vision paradisiaque d’une planète à reconstruire !
Un article du Gardian qui illustre pour d’autres pays (Mongolie, USA, France, Israël) ce que vous nous décrivez à propos du Brésil.
https://www.theguardian.com/cities/2017/nov/21/haves-have-nots-cities-crisis-david-levene-san-francisco-ulaanbaatar-jungle-jerusalem
Ceux qui ont presque tout et ceux qui n’ont presque rien : quatre villes en crise
En surface, Oulan-Bator, San Francisco, Calais et Jérusalem ne sauraient être plus différents – mais pour les personnes expulsées par les bouleversements politiques ou les loyers prohibitifs, le XXIe siècle urbain montre une uniformité troublante.
Plus de la moitié de la population mondiale vit aujourd’hui dans les villes, mais de nombreuses personnes vivent dans les limbes, menant une existence précaire en marge, exclues des promesses de la vie urbaine. La population mondiale se déplace plus que jamais, poussée par les conflits et les persécutions, par la menace d’une catastrophe environnementale et par l’attrait d’une vie meilleure, mais les villes ne sont tout simplement pas prêtes à accueillir leurs nouveaux venus.
Au cours des deux dernières décennies, le photographe David Levene a documenté la façon dont les gens vivent et travaillent dans les villes du monde entier, comment ils se débrouillent avec le strict minimum de ressources pour se tailler un espace pour eux-mêmes et leurs familles dans les circonstances les plus précaires, et comment les villes sont polarisées en lieux de riches et de pauvres, avec le droit à la ville sans cesse érodé.
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Coucou,
Question de beotien
Est Mr Leclerc qui signe le papier ?
Bonne journée
Stéphane
C’est bien moi ! Il y a une ambiguïté ?
Cordialement,
François Leclerc