Entre la Chine et les États-Unis s’est instaurée une nouvelle version de la guerre froide de notre époque, dépoussiérant au passage un vieil adage : la guerre commerciale est la continuation de la guerre par d’autres moyens quand elle est impraticable sous sa forme militaire.
La guerre de la monnaie n’étant pas à portée des belligérants dans un domaine où leurs intérêts sont trop imbriqués, où atteindre l’autre implique d’en subir les effets immédiats en retour, il ne reste de disponible dans la palette des conflits que la guerre commerciale, une fois l’affrontement armé exclu. En l’occurrence, elle se combine avec une faible croissance et une crise financière larvée, les États-Unis ne faisant comme il est largement prédit que provisoirement exception question croissance. Au final, la crise fait un nouveau pas dans sa globalisation.
La partie, qui s’annonce longue, oppose ses acteurs dans une compétition qui domine désormais le paysage : qui de la Chine ou des États-Unis sera demain la première puissance mondiale ? La maitrise chinoise de la production de la totalité des constituants nécessaires aux applications des nouvelles technologies en est l’enjeu concret. La question sera tranchée lorsqu’elle produira en toute indépendance la gamme complète des nouveaux produits pour les commercialiser sans entraves. Rien ne pourra alors l’empêcher de prendre la tête de manière irrésistible dans cette partie que l’on pourrait qualifier de mère de toutes les batailles.
Chacun s’installe dans la durée. Donald Trump prépare sa réélection et Xi Jinping blinde son pouvoir. Ce dernier annonce la couleur en avertissant les Chinois qu’ils doivent s’attendre à une période difficile, essayant ainsi de prévenir la déstabilisation du pouvoir en réponse à l’arrêt de la progression de la consommation des nouvelles « classes moyennes », la condition recherchée et atteinte afin qu’elles ne représentent pas de menace à la pérennité du système (du mode de production, écrirait Marx).
Il va sans dire que l’Europe, dès à présent, est réduite au rôle de spectatrice et de victime collatérale. Dans cet environnement, elle ne représente qu’un front secondaire pour les États-Unis. Ce qui se traduit, au stade actuel du conflit, par des menaces qui ne sont pas mises à exécution. Toutefois, cela n’empêche pas son démantèlement de se poursuivre, sa dynamique aidant, faute de relance de l’économie reposant sur un assouplissement des contraintes de déficit budgétaire et d’endettement. Par voie de conséquence, l’Europe de demain se présente au pire sous la forme d’une simple union douanière, au mieux sous celle d’une Europe des Nations pourvue d’une monnaie unique, mais traversée par de multiples divergences d’intérêts qui la rendront difficilement gouvernable et au bout du compte la paralyseront. Dans la pratique, nous sommes déjà engagés sur cette pente glissante et rien n’indique à ce jour que le camp de l’intransigeance soit prêt à fléchir.
Des camps sont en effet en voie de se constituer. Ils se regardent déjà par en-dessous comme chiens et loups, opposant ceux qui voudraient avancer et privilégient la relance à ceux qui y opposent le maintien inflexible de « règles » gravées dans le marbre. Mais, dans cet affrontement – feutré afin de préserver la façade – raison ne sera-t-elle pas toujours donnée à ceux qui veulent que les fenêtres restent fermées comme le veut l’usage dans les transports en commun ?
« raison ne sera-t-elle pas toujours donnée à ceux qui veulent que les fenêtres restent fermées comme le veut l’usage dans les transports en commun ? »
Jusqu’au moment ou malgré des signes de survitesse évidents, le train tangue, déraille et les fenêtres volent en éclats.
« La maitrise chinoise de la production de la totalité des constituants nécessaires aux applications des nouvelles technologies en est l’enjeu concret. »
Ça n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. L’interdépendance des différents pays et les effets que provoqueraient l’interruption des échanges commerciaux internationaux sont un domaine qui ne semble pas préocuper grand monde (à l’exception remarquable du pétrole dont il est facile de prévoir ce qui passerait si on en était privé puisque justement tous les échanges commerciaux seraient interrompus.)
On pourrait m’objecter que relativement peu de gens sont morts de faim pendant la seconde guerre mondiale mais c’est justement les conséquences de l’abandon depuis cette période de la part d’autarcie qui subsistait et qui a permis à beaucoup de gens de survivre qui pose question.