L’éditorialiste des Échos a donné le ton en titrant son papier « réformer le pacte sans le tuer ». Une manière d’évacuer un débat impossible à mener car supposant un reniement et de s’entendre sur des accommodements, car la situation n’est plus tenable. Mais c’est loin d’être joué.
L’inquiétude grandit, accentuée par la publication mardi dernier des prévisions 2019 de la Commission, en prologue à la réunion informelle des 27 dirigeants européens qui se tient aujourd’hui en Roumanie. Celle-ci continue d’abaisser ses prévisions, le pire concernant l’Allemagne qui jusqu’à maintenant tirait l’ensemble et dont il se confirme que le modèle ne fonctionne plus et ne peut plus être présenté comme exemplaire. Pour l’année en cours, il n’est accordé à l’économie allemande que 0,5% de croissance. On en est encore à jouer sur les mots en parlant de ralentissement de la croissance, mais c’est bien une stagnation qui parcours toute l’Europe.
L’Italie est bien sortie de la récession, mais c’est pour se voir accorder une mini croissance de 0,1%. Et si la France pourrait atteindre 1,3%, son déficit budgétaire va rester au-dessus de la barre des 3% et son endettement va frôler les 100% du PIB. Dans ces conditions, l’injonction de Pierre Moscovici réclamant qu’il soit apporté un soutien plus grand à la croissance économique a tout du vœux de circonstance. Le rendez-vous de la fin juin au cours duquel un embryon de budget de la zone euro devrait être décidé par le Conseil européen – une ambition déjà fort limitée – se présente très mal. Emmenés par le gouvernement hollandais, une dizaine de pays y font barrage.
Jean-Claude Juncker et Emmanuel Macron ne peuvent espérer un soutien allemand décisif dans le contexte de la fin qui semble programmée de la grande coalition. Un second souffle politique est recherché en Allemagne, qui va pouvoir difficilement se traduire par une inflexion de la politique économique. Les intérêts obligataires sont très faibles, et même négatifs en terme réels, mais l’on ne voit pas les dirigeant allemand prêts à mettre en cause leur credo : la dette, c’est le démon ! Que peut-il être espéré ? une ouverture sur le déficit structurel, qui le mesure indépendamment des aléas conjoncturel ? Mais son calcul soulève des problèmes méthodologiques sans fin.
Pour continuer cette difficulté, un groupe d’économistes franco-allemands propose de faire reposer le pacte de stabilité sur des engagements d’évolution des dépenses publiques en distinguant le long du court terme. Mais, à peine posé, le débat a été dépassé. Les circonstances toujours aussi tumultueuses du Brexit font apparaître des failles dans une unité européenne qui jusqu’à maintenant avait été préservée. Les dirigeants allemands étaient prêts à accorder des prolongations dont les français ne voulaient pas. Emmanuel Macron croit toujours à sa relance de la construction européenne et ne veut pas perdre de temps, alors que les autorités allemandes voient avec crainte le marché britannique sortir de l’union douanière dans le cas d’une absence d’accord.
Un désaccord franco-allemand ouvert serait un acte déterminant du démantèlement de l’Europe que rien ne vient interrompre. Afin d’éviter des progrès trop ostensibles, il est encore possible de s’engager dans le vif du sujet des tractations sur les nominations des grands postes européens à pourvoir, un exercice éprouvé et somme toute rassurant. Prochain sommet européen, le 28 mai, au surlendemain des élections européennes.