À l’époque, il a été choisi l’expression « graver dans le marbre », mais il aurait pu lui être préféré « couper les ponts derrière soi ». Quoi qu’il en soit, c’est avec une belle détermination que les autorités, au plus fort de la crise qui secouait l’Europe, on inscrit dans les traités les ratios de déficit budgétaire et d’endettement public afin que l’on ne puisse plus revenir dessus. Les Allemands, qui ont présidé à la manœuvre, les ont même inscrits dans leur Loi fondamentale (leur constitution).
Dix ans ont passé, et comme prévisible ils posent problème. Mais comment défaire ce qui a été si strictement agencé pour se donner de l’air ? La modification des traités réclame l’unanimité et celle de la Loi fondamentale une majorité des deux-tiers au Bundestag. Ah, le travail a été bien fait !
Le contexte a bien changé et le temps n’est plus à la menace d’une sortie en catastrophe de la zone euro, sur le mode qui a bien failli être celui de la Grèce, et qui se présentait comme allant être celui de l’Italie. Les partisans de tous bords d’une sortie de l’euro ont mis de l’eau dans leur vin, et on attend avec curiosité l’ingéniosité dont la Commission va cette fois-ci encore faire preuve vis-à-vis de l’Italie.
Une nouvelle offensive d’Emmanuel Macron en faveur de la « renaissance » de l’Europe est fort peu probable dans le contexte qui se présente en Allemagne. La CDU et la CSU se rapprochent, et l’on s’interroge sur la raison de la convocation par Annegret Kramp-Karrenbauer d’un séminaire exceptionnel de son parti, la CDU, juste après les élections. Il pourrait s’agir d’une démission d’Angela Merkel ou d’une rupture de la grande coalition avec le SPD, rien de bien favorable à une ouverture.
Pourtant, c’est d’Allemagne que parviennent des velléités en ce domaine. Des réflexions sont engagées en vue d’assouplir les contraintes hier revendiquées, en vue de financer un programme d’infrastructures, la règle de l’équilibre budgétaire y faisant obstacle. Le nouvel économiste en chef du ministère des finances, Jakob von Weizsäcker, s’interroge ouvertement sur le sens que peut avoir une politique qui néglige la possibilité d’investir en empruntant gratuitement. Une réflexion qui n’est pas sans rapport avec les problèmes à répétition rencontrés par le modèle de développement économique allemand.
Ici ou là, des voix s’élèvent pour demander plus de flexibilité. Elles font remarquer que le taux nominal d’intérêt est devenu inférieur au taux de croissance nominal du PIB, rendant caduc l’argument selon lequel l’accroissement de la dette pèsera sur les générations futures. Et que cette dynamique pourrait aboutir à abolir la dette privée.
Difficile de prédire l’ampleur du débat à venir, mais il est indéniable qu’il a pris le pas sur le précédent, où le poids de la dette était l’élément essentiel, conséquence de deux épisodes l’ayant considérablement alourdi, la réunification et la crise financière. Des formules sont d’ores et déjà recherchées afin d’éviter d’amender la Loi fondamentale… inutile de dire que les chancelleries européennes sont aux aguets, au cas où…
Un moment (Belgique) actuel à fleurets mouchetés , par deux personnalités dont l’une familière..
https://www.rtbf.be/info/economie/detail_faut-il-sortir-du-carcan-budgetaire-europeen?id=10209196