De toutes les successions qui s’annoncent, celle de Mario Draghi à la présidence de la BCE, dans un an encore, est celle dont il est attendu la plus grande portée. Montée sur un piédestal, il est espéré qu’elle n’en descendra pas.
La victoire de Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, représenterait un coup de tonnerre dans un ciel bleu. Elle annoncerait le retour à la police stricte d’orthodoxie monétaire qu’il personnifie, n’augurerait pas du nouveau cours attendu et relancerait la crise. À partir de là, le jeu est aujourd’hui ouvert et chacun se place.
Certains, comme François Villeroy de Galhau de la Banque de France, proposent d’approfondir la politique des taux négatifs. D’autres, comme le finlandais Olli Rehn, voudraient abandonner la cible d’objectif de 2% d’inflation qui serait relevée pour une période de temps limitée. Ils restent dans les demi-mesures.
À ce stade, les candidats ne se démasquent pas. Moins par souci tactique qu’en raison des difficultés à concevoir la place et le rôle de la banque centrale dans la période à venir. Elle a joué un rôle déterminant durant la décennie passée, pourra-t-elle et comment continuer ? a-t-elle ou non utilisé tous ses instruments monétaires ? en dispose-t-elle d’autres, comme cela a été affirmé entre deux portes par un banquier central, et lesquels ?
Mario Draghi a fait preuve de détermination, mais il est resté sage à sa manière et n’a pas franchi certaines limites, inscrivant formellement la monétarisation de la dette dans le cadre de l’orthodoxie en vigueur et du respect des traités. Mais une haute marche devra être franchie dans l’avenir, si la BCE est conduite à employer les grands moyens : elle devra ouvertement monétiser la dette et briser ce tabou.
Une telle perspective est explosive. Pour l’adopter, il faudra que soient réunies des conditions qui ne le sont pas, et notamment que le démantèlement de l’Union se soit approfondi, conduisant les autorités allemandes et françaises à tirer les conséquences de leurs désaccords grandissants. Dans les temps qui viennent, elles vont s’ingénier à en retarder le moment.