Le chef d’État-major de l’armée tient les rênes sans savoir où il va. Dans l’immédiat, il remplit ses promesses et les manœuvres d’intimidation policières ont cessé. L’Armée protège les marches du peuple, avait-il annoncé, rompant avec les tentatives de les entraver prétexte à réaction. Mais ensuite ?
Où se recrutent les partisans de cette ligne ? Il n’est pas difficile de les retrouver ayant appartenu à d’anciens réseaux, réactivés pour la circonstance, de la redoutable sécurité militaire, devenue Direction du Renseignement et de la sécurité (DRS). Un État dans l’État sur lequel l’état-major de l’armée a finalement pris le dessus en le décapitant en 2015 de son chef le général Toufik, qui agit depuis dans l’ombre.
Ahmed Gaïd Salah consulte tout azimut et va même organiser lundi une vaste réunion avec l’opposition, une manière de l’enrôler. Mais on n’en est pas à la création d’une organisation impliquée dans l’intérim suivant des modalités restant à définir. Et il parvient jusqu’à maintenant à étouffer les tentatives de susciter l’apparition de violences ayant comme dynamique la proclamation de l’état d’urgence, l’interdiction des marches et le cadenassage du mouvement. Ou tout du moins qui y prétendraient.
Ahmed Saïd Salah est aujourd’hui l’homme fort de l’Algérie mais il doit donner une assise à son pouvoir, l’objectif poursuivi par l’élection d’un nouveau président. Afin d’y parvenir, il lui faut un candidat acceptable coupant court à la tentation du boycott des élections du 4 juillet prochain. Et du temps, il n’en a pas tant que cela si l’on considère la dynamique qu’il a lui-même contribué à enclencher. Ses mesures d’apaisement successives, bien que dosées, en appellent d’autres qui encouragent la poursuite du mouvement.
Pour l’instant, celui-ci se nourrit du rendez-vous hebdomadaire des marches du vendredi dans toutes les grandes villes du pays. Et d’une multitude d’initiatives de la société civile. La contestation de la direction de l’UGTA monte, et avec elle le danger de mouvements affectant les entreprises. Et il se dégage une sorte d’avant-garde du mouvement, les étudiants ayant aussi leur rendez-vous hebdomadaire, le mardi, qui draine un nombre de plus en plus élevé d’entre eux. Il s’y exprime non pas le slogan le plus radical, dont ils n’ont pas le privilège, « Dégagez tous ! », mais celui qui pourrait montrer la marche à suivre pour rebondir, l’appel à l’élection d’une assemblée constituante.
Vu le chemin qui a été accompli, la confiance en eux-mêmes dont les algériennes et les algériens font preuve, qui a pris avec éclat le dessus sur la peur et la résignation, ce n’est pas pousser le bouchon que d’avancer cette perspective.