Les ambitions étaient très mesurées lors de la réunion de printemps du FMI à Washington de la semaine dernière, à la fin de laquelle les participants se sont donnés la tâche de « protéger » la faible croissance économique. Celle-ci se poursuit, « mais à un rythme plus lent que prévu en octobre. Elle devrait se raffermir en 2020, mais les risques restent orientés à la baisse », ont-ils prudemment constaté.
Il y a malaise. Les interrogations pour l’instant ne débouchent pas et l’immobilisme prévaut. Pourtant, selon Reuters, au sein du collège des gouverneurs de la BCE, une minorité significative d’entre eux remet en cause la justesse du modèle prévisionnel utilisé. Un biais indiquerait toujours une inflation orientée vers le haut, évoluant vers l’objectif, et une croissance revenant à son potentiel tendanciel. Or les projections de la BCE jouent un grand rôle dans la définition de ses taux.
En la circonstance, si les chiffres de la croissance devaient encore une fois être revus à la baisse, cela retarderait encore davantage leur relèvement. Rappel : systématiquement trop optimistes et révisées à la baisse trimestre après trimestre, les prévisions pour la zone euro ont été abaissées en seulement trois mois de 1,7% à 1,3%.
La baisse actuelle est-elle temporaire ou destinée à durer ? Le second cas de figure est le plus probable, conduisant les gouverneurs à s’interroger, n’identifiant aucune raison discernable de pronostiquer un rebond. Mais cette question en amène une autre laissée encore sans réponse, si le modèle ne donne plus des résultats fiables, comment le modifier ?
Christine Lagarde, la présidente du FMI, n’avait pas dit autre chose devant la Chambre de Commerce américaine, dix jours avant la réunion de Washington, en reconnaissant que la reprise prévue par le Fonds l’an passé n’était finalement pas intervenue. Comment ne pas se tromper, avait-elle fait remarquer, lorsque tant de facteurs de risques interviennent, rendant « délicate » toute appréciation de l’économie globale ?
Significativement, pour s’opposer à la proposition d’Olivier Blanchard, l’ancien chef économiste du FMI, d’adopter une cible d’inflation plus élevée que les sempiternels 2% par valeur inférieure, Vitor Gaspar, le directeur du département des finances publiques du FMI, n’a eu comme recours que de se réfugier derrière « l’expérience et l’analyse empirique ». Et non pas de se prévaloir d’une théorie monétaire qui n’est plus d’un grand secours.
L’économiste en chef du Fonds, Gita Gopinath, a de son côté déclaré que « la politique monétaire pourra être encore un peu activée, notamment sur le volet non conventionnel. Mais les marges de manœuvre sont limitées et les banques centrales ne veulent plus qu’on se repose entièrement sur elles pour tout résoudre. La politique budgétaire devra aussi jouer un rôle important. » Mais qu’attendre de cette dernière lorsqu’il continue d’être préconisé une politique de désendettement qu’au contraire Olivier Blanchard propose d’assouplir ?
Pour le moins, la discussion ne progresse pas au rythme que la situation réclame et reste marginale. L’Allemagne est montrée du doigt, comme si elle pouvait à elle seule dégager les ressources d’une relance. Certes, un stimulus appliqué de façon synchronisée permettrait de renforcer la confiance, souligne Gita Gopinath, mais elle n’identifie pas ses partenaires présumés. C’est maigre. En Allemagne, elle a trouvé des relais d’opinion, dont Michael Hüther, l’économiste en chef du German Economic Institute de Cologne, proche du patronat. Celui-ci propose de réviser la règle de l’équilibre budgétaire en différenciant dans les investissements ce qui est de l’ordre des investissements et du fonctionnement et d’en exclure les premiers du calcul. La révision serait déchirante, et on peut douter que les mises en cause iront bien plus loin.