Forte de tout son poids dans la société algérienne, l’armée va garder un pouvoir qu’elle a toujours conservé entre ses mains depuis l’indépendance et démontrer que rien ne peut se faire sans elle, Mais dans quelles conditions va-t-elle y parvenir ? Au nom du respect de la constitution, et afin de couper court à tout autre processus dont l’armée risquerait de ne pas conserver le contrôle, le chef d’État-major a choisi de confier l’intérim de la présidence au président du Sénat, le premier des « trois B » que sont Abdelkader Bensalah, Tayeb Belaiz et Noureddine Bedoui, dont le départ a été réclamé par la grande foule des manifestants. C’est tout un programme.
Ahmed Gaïd Salah a désormais 90 jours pour désigner un candidat et faire élire un président, un paravent derrière lequel l’armée continuera à tirer les ficelles. C’est là toute la difficulté, car la généralisation de la corruption laisse fort peu de candidats présentables. En tout cas, il n’y aura pas de rupture avec le système, qui va survivre après avoir eu chaud. Et les Algériens vont devoir faire avec, car l’armée est tout simplement le cœur de celui-ci et il aurait fallu des clivages et des dissensions en son sein pour aller plus loin.
Unis dans le rejet du clan Bouteflika, les Algériens vont-ils passivement laisser la manœuvre s’effectuer ? Leur unité s’effilocher ? Seront-ils d’ailleurs autorisés à manifester vendredi prochain ? Des provocations pouvant justifier le quadrillage des villes pour prévenir les rassemblements et en finir avec ceux-ci.
Les interdictions massives de quitter le territoire de personnalités politiques et du monde des affaires vont-elles être suivies de poursuites et de condamnations afin d’adoucir un atterrissage qui s’annonce rude et un désenchantement massif ?
Enfin, quelle équipe va être capable de faire face aux lourdes difficultés économiques qui s’annoncent et aux tensions sociales qu’elles vont susciter ? L’Algérie est entrée dans une période d’affrontements.