Le goût inoubliable de la liberté

Ahmed Gaïd Salah, le chef d’État-major de l’armée, est à fond de cale. L’offensive éclair contre la corruption qu’il a mené cette semaine contre le clan Bouteflika et les oligarques n’a en rien entamé l’exigence des centaines de centaines de milliers de manifestants qui, pour la 7ème fois, ont envahi les rues des grandes villes du pays afin d’obtenir un assainissement général. « Nous avons dit tous, c’est tous ! ».

À les voir, à les entendre et à lire leurs banderoles, on enregistre une détermination d’autant plus forte qu’elle s’exprime dans le calme et dans la joie, comme si rien ne pouvait empêcher l’accomplissement de leur volonté. Comme si le système avait été trop loin, depuis trop longtemps, qu’il devait passer la main et ses membres jugés.

Comment tergiverser, comment s’y opposer ? Ahmed Gaïd Salah a-t-il seulement un plan B ? Son plan A a déjà échoué, il supposait une deuxième étape, après la démission d’Abdelaziz Bouteflika, sous l’égide des caciques du système. Tout autre processus va demander du temps, tandis que dans le pays et sur les lieux de travail, dans les syndicats, les faits accomplis vont se multiplier, l’épuration qui a commencé va s’étendre.

L’hypothèse d’une provocation organisée par un groupe aux abois est toujours possible, mais comment instituer ensuite l’état d’urgence et en imposer le respect face à une telle marée humaine ? Qui pourrait en assumer la responsabilité ? Engager l’élection d’une assemblée constituante n’est pas dans les mœurs militaires, mais que l’armée peut-elle attendre des tractations qui ont sa préférence ? Les Algériennes et les algériens savent ce dont ils ne veulent plus pour l’avoir subi. Circonstance aggravante, ils ont ces dernières semaines pris le goût de la liberté.

3 réponses sur “Le goût inoubliable de la liberté”

  1. Euh bonsoir monsieur Leclerc,

    Mais il est fort probable que le problème en Algérie, comme partout chaque fois, ce soit en fait l’Armée. Rien n’existe sans elle en Algérie.

    Bonne soirée monsieur Leclerc

  2. Bonne analyse. En Algérie, l’Armée dispose de l’Etat alors que dans d’autres pays normaux c’est l’Etat qui dispose d’une armée.L’APL ne cèdera pas les outils de sa puissance, sauf à ce que certains officiers comprennent que parallèlement au maintien de la sûreté des biens et des personnes le temps est venu de permettre à une élite économique, financière, politique rajeunie et efficace de répondre au problème cardinal que représente à distance d’une an la chute dramatique des réserves financières du pays (le fonds souverain FRR est à sec) et la nécessité de préserver ce qu’il reste des ressources en hydrocarbures. cf.Bouchard-Sapir+https://fr.sputniknews.com/radio_sapir/201904031040601547-algerie-demission-bouteflika/ et https://www.alternatives-economiques.fr/users/el-mouhoub-mouhoud
    Cordialement, Renaud Bouchard

  3. D’après la Banque d’Algérie:
    – les recettes de pétrole et de gaz ont baissé de près de 50 % au premier trimestre 2015, passant de 15,6 milliards de dollars en mars 2014, à seulement 8,7 milliards.
    – le pétrole représente plus de 95 % de ses recettes extérieures et 60 % du budget de l’État algérien.

    Par ailleurs le PIB par habitant (PPA) est comparable à celui de la Chine ou du Brésil. Même si c’est une valeur moyenne qui ne dit pas grand chose sur la situation des différentes catégories d’algériens on peut supposer que les choses restaient supportables pour une bonne partie de la population.

    Avec les variations brutales du cours du pétrole il n’est pas du tout surprenant que ceux qui ont jusqu’ici profité de la rente du pétrole pour s’en mettre plein les poches et se maintenir au pouvoir aient du mal à s’entendre entre eux et ne sachent pas comment faire pour résister à la pression populaire.

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