C’est à n’y rien comprendre pour tous ceux qui n’ont pas vécu de près le quotidien algérien depuis longtemps ! La liste du nouveau gouvernement rendu publique par le nouveau Premier ministre chargé de la constituer, l’ex-ministre de l’intérieur Noureddine Bedoui, aligne comme vice-ministre de la défense le général Ahmed Gaïd Salah qui a pris fait et cause pour le renvoi d’Abdelaziz Bouteflika ! Certes, l’Algérie est un chaudron où bouillent toutes les rumeurs – qui ne manquent pas – mais on est là devant une annonce officielle qui ne craint pas de cultiver le paradoxe de la manière la plus criante qui soit.
C’est le propre des « sociétés agonisantes et des ambiances de fin de règne », constate le quotidien francophone El Watan. Cela reflète que rien n’est encore conclu au sommet et que les membres du système divergent sur la meilleure manière de préserver leur pouvoir. À force, ils n’y parviendront pas ! Paradoxe pour paradoxe, ce sont les militaires qui appellent à une plus juste appréciation des choses : le pays est dans la rue et ce n’est pas avec ce type de gouvernement qu’il la désertera. À leur manière, les militaires ont repris le slogan « Bouteflika dégage ! ».
Très récente et toute relative, cette clairvoyance fait contraste avec l’aveuglement de ceux qui s’accrochent à leurs prébendes, sans pour autant esquisser les contours d’un compromis introuvable. La terrible vérité est là, il n’y a pas d’alternative de prête à l’emploi pour un système qui a fait main basse sur un pouvoir sans partage. Et les bagarres entre quatre yeux, ces conciliabules et marchandages condamnés à ne pas durer, représentent tout ce qui est honni et a fait son temps. Comme s’il était absurdement demandé à un peuple qui vient tout juste de retrouver sa fierté de l’abdiquer sans retard. Il y a de quoi être fier des algériens.
Il est bien trop tôt pour écrire l’épilogue. Il est par contre certain que ce n’est pas seulement le régime qui vit sa fin, à un rythme plus ou moins précipité, c’est aussi un modèle de développement qui touche à sa fin. Le pétrole et le gaz ont contribué à 40% des recettes budgétaires 2018 et la rente pétrolière a cessé d’être une manne permettant la distribution de largesses même mesurées. Sur quoi un prochain gouvernement va-t-il pouvoir s’appuyer ? Les recettes chutent et les réserves en devises du pays en font autant, comment tout ce qui doit être importé va-t-il être financé ? Ces réserves étaient de 178 milliards de dollars en 2014 et plus que 88,6 milliards de dollars en juin 2018.
Cela laisse fort peu de temps pour combler les profondes déficiences du développement de l’économie algérienne, alors que les capacités d’investissement se réduisent. Et les lourdes subventions à la consommation interne de l’énergie sous toutes ses formes ne vont pas pouvoir être maintenues.
Dans l’immédiat, l’ironie a succédé à la crainte.