Si certains louchent en coulisses vers l’adoption d’une nouvelle cible de déficit de la BCE, prélude à une politique de monétisation de la dette, d’autres ne démordent pas du Schwarze Null, appellation donnée par les autorités allemandes à leur politique de déficit zéro. Un grand écart se prépare.
Le débat n’est pas ouvertement engagé, car il mettrait en évidence une profonde division, mais cela va-t-il pouvoir durer longtemps ?
Le gouvernement allemand et son partenaire hollandais bloquent tout assouplissement de la politique budgétaire européenne. On l’avait compris et on en a confirmation avec les débats budgétaires qui s’entament à Berlin. Afin de rester dans les clous du Schwarze Null, le ministre social-démocrate Olaf Scholz serre les boulons dans un contexte de baisse de la croissance et des recettes fiscales allemandes. Le budget de la défense va en premier en subir les effets, et avec lui une bonne part du projet d’Europe de la défense auquel se raccroche Emmanuel Macron. Tous les ministères sont dès maintenant priés d’apporter leur contribution à la diminution des dépenses gouvernementales. Rendez-vous avait été pris pour un bilan de la coalition à mi-parcours afin de décider de la poursuivre ou non jusqu’en 2021, mais les signes de la préparation d’une rupture se multiplient. Un désaccord grandissant à propos du budget 2020 oppose la CDU et Olaf Scholz à qui il est reproché d’augmenter les budgets sociaux au détriment des crédits militaires, d’infrastructure et d’éducation.
Un tout autre projet se concocte en Italie. Après avoir mené campagne contre les réfugiés et en avoir tiré son bénéfice dans les sondages, Matteo Salvini est suspecté de vouloir faire tomber le gouvernement de coalition actuel pour faire alliance avec Silvio Berlusconi aux lendemains des élections. Sa nouvelle offensive porterait sur la « flat tax », cet impôt à taux unique détrônant l’impôt progressif sur le revenu aux fonctions redistributives qui disparaissent.
On voit mal la Commission se prêter à un nouveau faux-semblant et avaliser ce qui, dans une Italie déjà entrée en récession, fera grimper le déficit italien au-dessus du seuil des 3%. L’extrême-droite se complait culturellement à procéder par provocations et plante le décor d’un futur affrontement.
Cette nouvelle donne ne fera pas l’économie de dissensions franco-allemandes. En témoignent les échanges tendus à propos du siège du Conseil de sécurité occupé par la France, que la nouvelle patronne de la CDU Annegret Kramp-Karrenbauer verrait bien changer de locataire, comme le différent à propos des négociations commerciales avec les Américains. Les Français les font traîner en longueur, craignant pour leur agriculture, et les Allemands sont plus enclins à des compromis pour protéger en priorité leur industrie automobile. Donald Trump tient son levier pour diviser.
On s’en voudrait de jouer les Cassandre, mais le démantèlement de l’Europe est appelé à progresser à grands pas. Et Matteo Salvini se bâtit une stature de leader de l’extrême-droite européenne sous le double drapeau de la xénophobie et du chauvinisme qui ne va rien arranger.