Rien ne sert de tenter de comprendre l’avancée des négociations commerciales entre la Chine et les États-Unis en s’en tenant aux tweets de Donald Trump dont le propos est d’amuser son électorat. Mieux vaut constater que les deux présidents ont tous deux intérêt à ce qu’un accord se fasse et qu’ils feront ce qu’il faudra pour conclure le moment venu. Mais ce ne sera pas sans victimes collatérales parmi les partenaires commerciaux actuels de la Chine.
Les deux pays sont engagés dans une lutte serrée, l’un pour défendre sa place de première puissance économique mondiale, mais c’est sans espoir, l’autre pour la conquérir. Mais tous deux sont trop dépendants l’un de l’autre pour déstabiliser l’adversaire. Condamnés à s’entendre, ils sont à la recherche d’un cessez le feu avant de poursuivre sur un autre mode une guerre qui ne s’arrêtera que lorsque la prééminence chinoise sera établie.
Elle se poursuivra sur deux plans étroitement liés, commercial et monétaire. Car ce qui est en jeu n’est pas seulement la place de leader sur le podium économique mondial, mais aussi l’évolution du système monétaire international, une toute autre affaire. Dans un premier temps, le yuan va occuper une place grandissante au sein du SMI, avant que le dollar ne finisse détrôné de son rôle prééminent. Alors, la puissance américaine en perdra les avantages afférents. Mais l’enjeu est tel que cela va prendre un certain temps…
Pendant que Donald Trump s’accroche aux vestiges d’une gloire américaine passée, restant capable de beaucoup de dégâts sur d’autres terrains de jeux s’il garde les coudées franches, Xi Jinping ne perd pas le nord. Aux prises avec une transition délicate, il prépare les étapes suivantes qu’il a tracées. L’attention est focalisée sur le grand projet stratégique des nouvelles routes de la soie reliant les continents chinois et européen, mais il occulte l’importance de la pénétration chinoise en Afrique dont il est le complément. L’Afrique, c’est le dernier continent disponible pour une mutation d’ampleur. En être l’artisan, question stratégie, on ne peut mieux faire.
Les Américains et les Chinois finiront bien par ajuster leurs relations marchandes et atténuer le déséquilibre de leur balance commerciale. La guerre monétaire pourra alors prendre le dessus. Comme le souligne la Banque des règlements internationaux dans un rapport, la zone renminbi (l’autre nom du yuan) s’est internationalisée et a gagné de l’influence par rapport au bloc du dollar. C’est lent, mais irrésistible et prend de multiples formes dans le cours des progrès commerciaux. En Afrique, une offensive monétaire accompagne ainsi la pénétration économique et financière.
Au final, la transition vers un système tripolaire – dollar, yuan et euro – est engagée. Elle va être accompagnée par une ouverture mesurée des marchés financiers chinois, le Parti-État s’assurant le contrôle de la situation derrière ses nouvelles murailles de Chine, n’ignorant pas l’histoire du Cheval de Troie.
L’Europe est mal partie dans tout cela. Vis-à-vis de la Chine, elle n’a pas adopté de position commune, la laissant faire son marché en achetant des grandes entreprises et elle tente de stopper la signature d’un accord italien à propos de la Route de la Soie, après ceux de la Grèce et du Portugal. Le port de Trieste va être le point d’entrée dans la zone euro. Simultanément, elle fait face au rebondissement de l’offensive de Donald Trump qui cherche à la diviser, sur la défensive, en menaçant de taxer les voitures allemandes et d’inclure l’agriculture dans les négociations commerciales.