La cause est entendue, le système bancaire européen n’est pas remis de ses turpitudes initiales. Il lui a fallu ensuite subir les effets d’une austérité budgétaire forcée rendant impécunieux de nombreux créditeurs.
À tort, on pouvait croire que seules les banques des pays du sud de l’Europe ployaient sous le poids de leurs prêts « non performants » dont elles ne parviennent que lentement et difficilement à se débarrasser des plus présentables. Erreur ! Les deux principales banques commerciales allemandes, Deutsche Bank et Commerzbank – dans laquelle l’État détient 15% du capital – étaient également à la dérive, la première ayant trempé dans tous les mauvais coups et les deux s’étant brûlés les ailes sur le marché des produits dérivés.
On en parlait depuis des mois et même des années, mais cela n’avançait pas. Il était pourtant question derrière les portes matelassées des antichambres d’un rapprochement et d’une fusion, aboutissant à une entité pesant 2.000 milliards d’euros d’actifs. Mais un coup d’accélérateur vient d’être donné à des discussions chaperonnées par les autorités gouvernementales.
Fusionner deux malades à la faiblesse reconnue tant en terme de rentabilité que de fonds propres créera-t-il une banque saine ? On peut en douter. Par sa dimension, elle aura au contraire un pouvoir de nuisance démesuré. Mais si les milieux financiers ne sont pas chauds, le gouvernement a ses raisons de pousser à la roue, Commerzbank qui commence à se redresser serait en effet une proie rêvée. Et l’opération pourrait être bloquée par un gouvernement succédant à la coalition au pouvoir dans un contexte évolutif aussi bien économiquement que politiquement.
Vous avez dit fuite en avant ?
Le bilan de Lehman Brothers pesait près de 700 milliards de dollars.
Celui de la Deutsche s’élève à… 48.000 milliards d’euros !
Une dernière cigarette ?
C’est quoi le bilan d’une banque ? En quoi le fait qu’il soit de 799 milliards ou de 48000 milliards est-il un problème ?
Pour le dire très rapidement le bilan d’une banque est constitué de plusieurs catégories. La catégorie 1, celle des prêts interbancaires est de loin la partie qui présente le plus grand risque systémique. En cas de défaut de Deutsche Bank, ce sont tous les prêts entre les banques qui s’arrêteraient immédiatement provoquant la plus grande cascade de faillites de tous les temps.
En 2008, la faillite de la « petite » banque d’investissement Lehman Brothers avait suffi à provoquer la chute de la bourse américaine, celle du système boursier nord-atlantique en fait, puis par effet de contagion, celle des bourses du monde entier. Devant la catastrophe, la Fed, après quelques hésitations, s’était résolue à intervenir massivement, non seulement en baissant son taux directeur, mais surtout en inondant de liquidités les marchés (Quantitative Easing) et en rachetant massivement les actifs pourris détenus par les banques privées afin de faire repartir la circulation sanguine du système, celle des prêts interbancaires.
Non seulement la BCE n’a pas les moyens d’émettre des dollars par le biais du QE, non seulement son mandat est beaucoup plus restrictif que celui de la Fed, non seulement les pays européens tirent à hue et à dia le nez rivé sur des intérêts égoïstes et courtermistes, mais en plus le bilan de la Deutsche est l’équivalent d’une bombe à antimatière pour les marchés et ferait passer celui de Lehman pour un pétard mouillé…