Le ménage dans les bilans des banques européennes est loin d’être terminé, mais chut ! n’en parlons pas… À trois mois de la tenue des élections européennes, cela s’accorderait mal avec les discours qui nous sont promis, grandiloquents et creux à défaut d’être convaincants.
La part des créances douteuses était au deuxième trimestre de 44,9% dans les bilans des banques grecques, 28,1% pour les chypriotes, 11,7% pour les portugaises et 10% en Italie. Tel est l’héritage de la politique budgétaire imposée. Et l’Union bancaire tant vantée n’en est toujours pas une, faute de l’adoption de son troisième pilier par les autorités allemandes qui veulent que ce ménage soit préalablement fait pour conclure sa construction. Tout ce qui s’apparente à un partage des risques reste à leurs yeux proscrit.
La Commission essaye malgré tout d’avancer, non sans une certaine dose de naïveté, à entendre Valdis Dombrovskis, son vice-président, qui prétend que l’évacuation des créances douteuses du bilan des banques leur permettra de financer les entreprises et, si l’on comprend bien, favorisera la reprise au bout du compte. La dette publique étant déclarée paria, libre cours est donné à l’endettement des entreprises. Pourtant, celui-ci aussi fait du souci…
Les créances douteuses restent une véritable arête en travers de la gorge, mais comment s’en débarrasser ? Les efforts entrepris n’ont permis de céder, après décote, que le dessus du panier. Ce qui reste à évacuer est nettement moins sexy, impliquant d’offrir des décotes ruineuses, et encore à condition de trouver des clients. Depuis 2016, un programme a été mis en place avec succès en Italie, afin que les acheteurs bénéficient d’une garantie de l’État. Mais il vient à sa fin le 6 mars prochain, et il ne semble pas y avoir d’autre issue que de le renouveler, alors que le plus dur reste à faire.
Les Grecs ont de leur côté présenté leurs propositions à la Commission, après avoir mobilisé les ressources de l’ingénierie financière. Il est question d’une bad bank, à l’image de la Sareb espagnole et de la Nama irlandaise, de l’utilisation des Deferred Tax Assets (DTAs), ces instruments comptables qui changent le plomb en or, ainsi que de garanties gouvernementales. Une complexe cuisine destinée à faire disparaître les pertes comme par enchantement.
Se plaçant au-dessus de ces contingences, le commissaire européen Pierre Moscovici, constate que « L’Europe est forte, mais que l’idée européenne est menacée », ajoutant « il faut redonner du sens et de la hauteur à l’idée européenne ». Il bénit intérieurement l’opposition entre « ceux qui veulent poursuivre l’aventure européenne et ceux qui la combattent », occasion de s’attribuer le beau rôle, pour n’admettre comme sujet de discussion que la mise en place d’un « vrai budget » de la zone euro en épousant la cause d’Emmanuel Macron. Tout en limitant ses ambitions car « la première chose à faire c’est de ne pas trop toucher à la fiscalité ou de le faire avec une main tremblante », donnant à la fiscalité la place que l’on attribue à la Constitution dans cette expression.