À l’issue de la première réunion de politique monétaire de l’année de la BCE, Mario Draghi a cherché à rassurer après avoir annoncé que le passage à vide de la zone euro pourrait être plus marqué qu’initialement prévu et durer plus longtemps. Écartant le spectre de la récession, il a néanmoins décrit un avenir fort bouché. Les analystes n’y ont vu qu’un report de la prochaine hausse des taux, jusque-là prévue à l’été, sans avoir encore saisi dans toute son ampleur le message.
Le président de la BCE est longuement revenu sur l’hétérogénéité des pays membres de la zone euro, l’une des principales difficultés qu’il a rencontré et à laquelle il continue de se heurter. Comment une politique unique peut-elle répondre à des besoins discordants ? Car en guise de convergence, les divergences pèsent, et le processus de démantèlement en cours n’arrange rien. L’Union européenne a perdu en cohésion ce qu’elle a gagné en dimension. La tâche est donc particulièrement ardue, tant que l’Union restera imparfaitement constituée.
Mais s’il revenait sur ce thème, ce n’était pas pour épiloguer mais pour évoquer la suite. Cherchant à rassurer, Mario Draghi a d’abord voulu démontrer que la BCE n’était pas démunie d’instruments, même si elle ne dispose plus de l’arme des taux, tant qu’ils restent collés à zéro. Il a fait valoir que le simple remplacement des titres souverains arrivant à maturité allait contenir la hausse des taux obligataires. Cette opération représente un montant d’environ 15 milliards d’euros mensuellement, la BCE détenant 25% de la dette souveraine éligible. Et dans le même temps, les émissions diminuent. Puis il a prudemment abordé le sujet des TLTRO, ces opérations ciblées de refinancement à plus long terme, l’un des instruments non conventionnels de sa politique monétaire qu’il pourrait à nouveau utiliser comme il en est pressé.
En 2011 et 2012, deux vagues de TLTRO ont renforcé les banques européennes au prétexte de relancer le crédit et l’économie. Une troisième vague serait-elle dans les tuyaux ? Le système bancaire européen reste bien malade, le nœud Gordien entre les États et les banques n’est toujours pas tranché, et le stock des actifs non performants ne diminue que très lentement. Mais il ne saurait être question de lancer un nouveau programme qui ne serait destiné qu’aux systèmes bancaires les plus fragiles. Les deux premiers ont été lancés au prétexte d’une fragmentation de l’union monétaire qui menaçait la transmission de la politique monétaire de la BCE. Quel habillage trouver pour une réédition qui a déjà ses opposants ?
Il ressort des réflexions en cours, dont seuls les échos nous parviennent, que la BCE n’a pas dit son dernier mot, contrairement à l’idée qu’elle allait progressivement se réinstaller dans son train-train. Il avait été donné comme raison que la BCE devait se préparer à un prochain choc en récupérant la plénitude de ses moyens. Mais même cela ne lui est pas permis, elle n’est pas autorisée à s’absenter de la table de jeu.