En ces temps de lourde incertitude sur la croissance et de déconvenue sur l’inflation, la BCE marche sur des œufs. Elle a mis un terme à ses rachats nets d’actifs, se contentant de remplacer ceux qui arrivent à maturité, mais a prudemment annoncé qu’elle maintiendrait ses taux d’intérêt « au moins jusqu’à l’été 2019 », se gardant les mains libres pour après.
Cela résulte de son approche graduelle et à petit pas de l’augmentation de ses taux, après s’être interrogée sur la capacité des montages financiers réalisés du temps de l’argent coulant à flot à taux proche de zéro à y résister ? À défaut de disposer d’une parfaite compréhension des mécanismes financiers et de la connaissance des montages en question, une approche empirique s’est imposée…
Dans l’immédiat, Mario Draghi a seulement reconnu une évolution « plus faible que prévu » de la conjoncture, ainsi que « d’importantes incertitudes ». Les analystes sont réduits à attendre la réunion de mars de politique monétaire la BCE pour mieux apprécier la suite, une fois établies ses nouvelles projections de croissance et d’inflation qui ne s’annoncent pas flamboyantes.
Les prêts à long terme consentis aux banques dans le cadre de ses opérations de LTRO, dont 380 milliards d’euros arrivent pour commencer à maturité en juin 2020, c’est à dire demain pour les banques quand il s’agit de tels montants, sont dans l’immédiat sur la sellette. La BCE va considérer en effet l’opportunité d’un financement par de nouveaux prêts du roulement de ces créances à son égard sans probablement pouvoir y échapper.
Rien que du classique d’une certaine manière, mais qui mérite que l’on s’y attarde ! On s’attendait à ce que la BCE joue les prolongations vis-à-vis de ses nouvelles missions, et l’un des moyens pour y parvenir implicitement se présente. Ce financement continuera de donner aux banques l’accès au crédit à un taux très préférentiel, les dispensant d’aller sur le marché. Sans nul doute une compensation à la lenteur avec laquelle la BCE va lever ses taux à leur détriment, en raison des effets négatifs sur leurs marges dans leur propre politique de crédit.
Épilogue ; une fine équipe composée de Mario Draghi, Peter Praet et Benoit Cœuré est en fin de mandat, Vitor Constâncio l’ayant déjà quittée. Ces quatre membres du directoire seront tous partis en décembre 2019 après avoir beaucoup donné. La prochaine équipe n’en a pas moins du pain sur la planche avec la sortie des taux négatifs, la normalisation de la politique des taux (autant que peut se faire), l’éventuelle pérennisation des LTRO et le dégonflement partiel si ce n’est total du bilan de la BCE. Un mandat de huit ans plein d’imprévus ne sera pas de trop !
Actualisation : l’intervention de Mario Draghi rendant compte des travaux de la BCE, attendue, n’a pas déçu. « Nous avons été unanimes pour reconnaître l’essoufflement de la dynamique et modifier l’évaluation des risques pesant sur la croissance ». En d’autres termes, les risques qui étaient « équilibrés » ne le sont plus.