Alain Minc est en soi tout un symbole et n’en semble pas mécontent. Au fil de la parution de ses livres, il cultive son personnage, à la fois amoureux et critique du système asseyant sa crédibilité. Pour y avoir eu depuis si longtemps son rond de serviette dans le rôle qu’il affectionne de conseiller du prince, il est un grand connaisseur de sa géographie et de son fonctionnement, c’est d’ailleurs son fonds de commerce. Mais, question mise en cause, il s’en tient à des égratignures.
Une longue interview accordée aux Échos à l’occasion de la parution de son dernier ouvrage (*) délivre une nouvelle fois sa pensée. « Il n’existe pas de monde sans élite » proclame-t-il d’entrée de jeu afin de justifier le monde tel qu’il est ainsi que la place qu’il y occupe, ne le voyant pas menacé. « L’économie de marché va entrer dans un nouveau cycle. Son existence n’est même pas en cause, parce que l’économie de marché, c’est comme l’air que l’on respire » (sic).
Du conservatisme éclairé qu’il revendique, que retenir de cet attelage ? Tout se résume à son inévitable coup de chapeau à « nos valeurs », qui inspirent les discours à défaut de l’action, équivalent dans le domaine des idées de ce qu’est la cuisine bourgeoise pour la gastronomie. Alors, soyons bons princes et tournons la page pour rendre compte des inquiétudes d’Alain Minc, qui ne sont pas sans fondement. Il constate que « depuis trente ans nous assistons à une paupérisation régulière de la classe moyenne dans le monde » et n’ignore pas « les difficultés liées à la mondialisation, notamment le creusement des inégalités… » Comment le compenser, s’interroge-t-il, faute de réserves permettant de financer « des services publics supplémentaires qui compenseraient les inégalités de marché » ? Les questions restent sans réponse, l’essayiste s’émouvant que la politique puisse prendre le pas sur l’économie, dont les lois priment sur tout si on comprend bien.
Alain Minc déplore la perte de représentativité des élites dont l’accès ne se fait plus au mérite, comme si cela était auparavant le cas, confondant arrêt de l’ascenseur social et reproduction de la caste. IL s’en tient à la critique de la structure des rémunérations des dirigeants, « qui n’est plus adaptée à une période où l’acceptabilité des inégalités est devenu un sujet majeur », et met en cause les retraites chapeaux et les actions gratuites, oubliant les niveaux atteints par les salaires, pour se contenter de préconiser le retour aux stock-options. Rangez les piques, pour la Révolution ce sera une autre fois !
À propos des inégalités, Thomas Piketty se serait « trompé de sujet ». « Les inégalités monétaires augmentent, certes, mais les inégalités culturelles augmentent d’avantage ». Ce qui le conduit à vaguement préconiser que « les élites soient plus représentatives du pays et soient moins endogames sur le plan culturel ».
Dix ans de crise financière et d’une mutation larvée du capitalisme pour en arriver à délivrer ce mince viatique au terme d’un voyage au centre du système tristement conformiste ! Alain Minc reconnait que nous sommes « au bout d’un système », sans bien entendu entendre par là le capitalisme. « L ‘économie de marché va entrer dans un nouveau cycle », nous est-il expliqué, mais on n’en saura pas plus une fois lancé ce dernier mot magique. En 1977 paraissait le rapport Nora-Minc sur l’informatisation de la société, trente ans après il semble inutile d’espérer son équivalent sur la numérisation.
(*) Voyage au centre du « système, par Alain Minc (Éditions Grasset), 187 pages, 17 euros.
NB : Les citations sont issues de l’interview d’Alain Minc accordé au quotidien Les Échos daté du vendredi 18 et samedi 19 janvier.
Pour les imageries médicales du grand patient à la renverse, je visionnerai plus volontiers les radios de ce jeune homme :
https://la-bas.org/la-bas-magazine/entretiens/Juan-Branco-desosse-Macron
Merci pour le lien !
Sans commentaire:
https://france.attac.org/IMG/pdf/les_grandes_entreprises_francaises_un_impact_desastreux_pour_la_societe_et_la_planete-a4-doubles.pdf
Monsieur Minc la ramène …(encore). Alors, petite information : en 2005 furent privatisées les autoroutes de France, sujet sensible bien d’actualité. Qui fut à la manoeuvre ? Le conseiller du prince était bien là, poussant dans cette vertueuse direction (privatisations), tandis que d’autres, même à droite, demandaient à ce que soit constitué un fonds d’investissement pour les infrastructures de transport, alimenté par les recettes des péages (on parlait alors du ferroutage en particulier). Le parti de « Bercy » le remporta et on privatisa ; au passage, Bruxelles fut satisfait (à deux égards : reduire la dette publique (au moins sur le papier), et privatiser tous les services dans le secteur des transports). Derrière, Monsieur Minc fut bien actif…et devinez quoi, il fut nommé président du CA d’un des trois groupes autoroutiers, à savoir le Groupe sanef. Si ce n’est pas du pantouflage, alors dites moi ce que c’est ! Alors mystère : comment ce monsieur peut-il être un tant soit peu crédible sur le marché des idées, et continuer à dispenser ses « conseils ». Et pour manier la métaphore du « rangez vos piques, la Révolution ce sera pour une autre fois », on comprend autrement le sens de ces mots, quand on a connaissance « d’où parle » la personne qui prononce ces paroles (ça ne manque pas de piquant…). Mais en fait, c’est triste et très révélateur de cette « élite », en fait, corrompue.
Du pantouflage ? Plutôt de l’abus de pouvoir .