Un calme trompeur règne entre deux offensives de la guerre commerciale menée par Donald Trump, dans l’attente que ses intentions se clarifient. Les autorités chinoises cherchent à cantonner les ardeurs du président américain, et les dirigeants européens ne savent toujours pas sur quoi les négociations vont porter, si toutefois elles débutent.
À propos de la Chine, l’administration américaine est traversée par un débat opposant Steven Mnuchin, le secrétaire d’État au Trésor, et Robert Lighthizer, en charge du commerce extérieur. Le premier propose d’alléger les tarifs douaniers déjà imposés à Pékin, afin de déplacer les négociations et d’engager les dirigeants chinois à aller plus avant sur les réformes de long terme. Le second craint que cela ne soit interprété comme un signe de faiblesse.
Cette divergence n’est pas nouvelle mais elle prend une nouvelle dimension, Donald Trump cherchant à calmer le jeu devant la nervosité dont les milieux d’affaires ont fait preuve en provoquant une chute des valeurs boursières. Or les performances de la Bourse sont pour le président américain le baromètre de son succès.
Dans son esprit, l’assouplissement de ses positions vis à vis de la Chine lui permet de faire preuve d’intransigeance sur la question électoralement vitale de la construction d’un mur à la frontière avec le Mexique. Car il peut espérer, même si cela ne prend pas cette tournure, que les démocrates seront finalement tenus pour responsable du long « shutdown » infligé au pays et de ses conséquences sur la croissance américaine, alors qu’il ne peut pas se défausser de ses responsabilités vis à vis de la Chine.
La fin de la trêve de trois mois décidée avec le président chinois en décembre dernier va intervenir début mars, et la question d’une relance sur de nouvelles bases des négociations est donc posée. La visite à Washington fin janvier du vice-Premier ministre chinois Liu He pourrait y contribuer. Au risque qu’elles s’inscrivent dans le long cours, créant un climat permanent d’incertitude.
Avec les Européens – ce second fer au feu de Donald Trump – les négociations n’ont même pas débuté, car sur quoi elles vont porter fait désaccord. Les autorités américaines, qui ont publié un projet de mandat de négociation, veulent inclure la production agricole, et les dirigeants français y font obstacle, elles menacent également de taxer la production automobile, suscitant une vive opposition allemande. De leur côté, les autorités américaines défendent leur pré carré, notamment les services maritimes et la réglementation des accès aux marchés publics.
La Commissaire européenne Cecilia Malmström a présenté aujourd’hui le projet de mandat de négociation de la Commission qui doit encore être adopté par les 28. « C’est une proposition limitée mais importante sur les droits de douane des produits industriels », a-t-elle expliqué, précisant que « dans ce mandat de négociation, nous ne proposons aucune réduction de droits de douane dans le secteur de l’agriculture. »
La taxation de la production automobile européenne reste en suspens. Un rapport du Département du commerce est attendu à la mi-février, et, dans le cas probable où il établirait que la production des véhicules européens représente une menace pour la sécurité nationale, il ouvrirait une période de 90 jours au terme desquels il faudrait agir. Cécilia Malmström a clairement mis en garde les États-Unis, au cas où ils mettraient à exécution leur menace d’augmentation des droits de douanes : « si cela arrivait, nous sommes très avancés dans notre préparation de mesures de rétorsion, nos mesures seraient bien plus importantes que celles prises dans le passé. »
Les foucades imprévisibles de Donald Trump ont pris de telles proportions que sa guerre commerciale figure désormais au premier rang des menaces qui pèsent sur la croissance de l’économie mondiale. De toutes parts, les alertes fusent. Car pour un système financier réduit à la fuite en avant, la croissance dont dépend son équilibre est primordiale.
La possible lecture de la marche du monde relève une fois de plus du paradoxe. D’un coup d’oeil, d’un seul, on voit que le délitement du système s’écroule sous le poids d’un de ses plus éminents représentants.
Mme… Trop beau pour être vrai.
Plus vraisemblablement… c’est que c’était l’heure.