Les grandes banques centrales ne marchent pas du même pas, ce n’est pas nouveau mais est-ce tenable ? La Fed et la BCE ont entamé un resserrement monétaire, chacune à leur manière. Et pour la Banque du Japon (BoJ), c’est une toute autre histoire.
S’agissant du taux directeur, la première a mis l’accent sur son relèvement, la seconde n’en est pas là et n’en a pas fixé le calendrier. Aux dernières nouvelles, le président de la Fed Jerome Powell explique que pour décider d’une nouvelle hausse celle-ci « sera patiente, en évaluant comment l’économie évolue », arguant du fait que « la politique monétaire n’est pas sur une trajectoire préconçue ».
Benoit Cœuré, membre du directoire de la BCE, rappelle de son côté la règle. Constatant un ralentissement de la croissance et le bas niveau d’inflation, il annonce que les taux « vont rester au niveau actuel, c’est-à-dire à zéro et même en dessous de zéro, jusqu’après l’été de 2019 au moins, et aussi longtemps qu’il faudra pour que l’inflation revienne vers l’objectif de 2% ».
L’inflation dans la zone euro a ralenti en décembre à 1,6%, en raison du tassement des prix de l’énergie, mais l’inflation sous-jacente – qui l’exclut – continue de stagner autour de 1% depuis plusieurs mois. Mais, selon Benoit Cœuré, le prix de l’énergie devrait baisser fortement, entrainant l’inflation globale à la baisse. Si cela se confirme, la première baisse des taux de la BCE n’interviendra pas à l’été 2019, comme l’idée s’en est répandue.
Le resserrement monétaire est donc une affaire de longue haleine, et l’on a vu aux États-Unis les réactions suscitées par la dernière hausse de la Fed, à commencer par celle de Donald Trump. Son deuxième volet, la réduction de la taille du bilan, est lui aussi en pointillés pour les deux banques centrales. La question mérite donc d’être posée : un retour à la normalité reposant sur un arrêt complet de leurs mesures exceptionnelles est-il envisageable ? Après avoir élargi leurs missions, vont-elles être en mesure de revenir à leurs définitions précédentes ? L’hypothèse la plus probable, à voir les auspices sous lesquelles elles procèdent, est que ce ne sera pas le cas et que le capitalisme financier sera désormais assisté en raison du déséquilibre structurel de son système financier.
Il ne faut pas chercher très loin pour en trouver un exemple. Un seul chiffre l’illustre : plus de 41% de la dette publique japonaise est inscrite au bilan de la Banque du Japon, un pourcentage qui ne cesse de grossir. Il était de tradition d’expédier cette question dérangeante en faisant état de son financement par les épargnants japonais. C’était oublier l’énorme volume des achats de titres de la BoJ dans le cadre de ses mesures exceptionnelles destinées à pousser une inflation désespérément très faible. Le cas du Japon est-il à part, à ranger dans le magasin des curiosités, ou ne préfigure-t-il pas la seule issue qui subsistera lorsque la dette mondiale qui continue de grossir deviendra insoutenable ?
Benoit Cœuré a ponctué sa dernière déclaration en observant que « la machine à fabriquer de la crise est toujours là ». Des commentaires auraient été les bienvenus afin de saisir dans quelles conditions elle pourrait selon lui être stoppée. À moins qu’elle ne soit chronique et à ce titre irréparable. Avec le risque que les banques centrales en finissent dépassées par les évènements, comme elles le sont déjà sur le marché des changes. Car de tous les dangers le plus méconnu et imparable est le risque systémique et inonder le système sous les liquidités fonctionnera-t-il au prochain coup ?
Quel serait l’impact systémique de la destruction par les Banques Centrales des titres de dette souveraine de leur propre état et donc l’allègement subséquent de leur bilan ?
Merci de cette chronique.
La baisse en capital de ceux qui le détiennent.
Mais je ne réponds peut-être pas à votre question ?