Pour les financiers, l’avenir s’annonce sombre sans savoir trop pourquoi. Les raisons sont loin de manquer et c’est précisément là le problème. Alors allez savoir, dans de telles conditions, lesquelles surviendront ! On cherche un dysfonctionnement façon subprime dans les arcanes ténébreuses d’un système financier qui s’est encore complexifié, et dont l’équilibre précaire peut être vite menacé, mais la répétition d’un schéma à l’identique est-elle la plus probable ?
Un ralentissement de la croissance mondiale pouvant mener à la récession est dans les tuyaux, que la guerre commerciale ne peut qu’accentuer. Conduisant certains à s’interroger sur l’opportunité du relèvement des taux de la Fed et de la BCE, ainsi que sur la réduction de la liquidité mondiale qui est engagée via celle de leurs bilans. À peine commencée, la réaction est vive comme on l’a constaté à Wall Street. Les banques mondiales – en particulier la Fed, qui est plus spécialement préoccupée du retour de l’inflation – ne vont-elles pas être celles par qui le malheur arrive pour avoir engagé la normalisation de leur politique monétaire ?
En tout état de cause, celle-ci s’annonce chaotique comme la Banque des règlements internationaux (BRI) s’en émeut. À moins qu’elles ne décident de ne pas revenir à leur taille de bilan initiale, donnant le signal que le retour à la normale n’en est pas un. Après le capitalisme financier, le capitalisme assisté…
Quel retournement ce serait, après avoir été les sauveurs d’un système financier qui implosait ! Car pour leur part, plus endettés qu’il y a dix ans, soumis à une pression politique qui les en empêche, les États n’ont plus les moyens d’intervenir financièrement si les banques, devenues toujours plus grosses, étaient soudainement dans le besoin. Vers qui se retourner alors ? Qui sera le prêteur en dernière ressort la prochaine fois ?
Si l’on suit le fil de ces remarques, le grand danger proviendrait de l’absence de moyens destinés à parer à un imprévu que l’on ne sait pas décrire mais dont l’avènement n’en est pas moins certain. Un quelconque battement d’aile de papillon dont les effets seraient ressentis à l’autre bout de la planète finance pourrait se révéler suffisant, quand l’équilibre est si précaire. Tout devient dès lors possible.
La relance destinée à rendre la dette soutenable reposant sur un endettement accru, un sévère paradoxe, le capitalisme aurait-il cette fois-ci atteint ses limites ? D’autant que les taux obligataires, même en montant plus progressivement que prévu, vont accroitre encore le coût du service de la dette, alors qu’au détriment des recettes de L’État il est tenté de réduire la pression fiscale. Dans de telles conditions, le rêve des libéraux ne tournera-t-il pas au cauchemar ?
Mais bien des accidents de parcours peuvent intervenir entre temps. Il est par exemple dès maintenant prévisible que l’Italie sera l’année prochaine un candidat sérieux à la relance de la crise européenne et au démantèlement de la zone euro, si aucune remise en question de la politique budgétaire européenne n’intervient. Sans qu’il soit nécessaire de dresser la liste de tout ce qui pourrait survenir de dire d’expert (ils sont désormais nombreux à concourir à ce jeu-là.)
Sans même attendre cette échéance, la campagne que mène Donald Trump contre le président de la Fed qu’il a lui-même désigné, Jerome Powell, pourrait déstabiliser gravement les marchés. Il remet le couvert et accuse maintenant la Fed d’être « le seul problème de l’économie américaine ». La semaine dernière, Steve Mnuchin, le secrétaire au Trésor, avait dû mettre tout son poids dans la balance pour démentir que le président américain avait étudié la possibilité de limoger celui de la Fed. Dimanche dernier, comme si de graves évènements pouvaient survenir, il avait organisé des rencontres individuelles avec les PDG des six principales banques américaines qui lui « ont confirmé avoir d’amples liquidités disponibles pour les prêts aux consommateurs, pour les opérations de marchés et pour toutes les autres opérations ». Lundi, il a tenu à titre préventif une réunion téléphonique avec un groupe de travail sur les marchés financiers pour discuter de « la coordination des efforts pour assurer des opérations de marchés normales ». Comment cela s’est-il passé hier à Wall Street ? Pas bien du tout. Comment interpréter la déclaration de Nancy Pelosi chef des démocrates à la Chambre des représentants, et Chuck Schumer, son homologue au Sénat, qui dénoncent Donald Trump pour « plonger le pays dans le chaos » ..?