Les autorités européennes sont réduites au rôle de pompiers. Le risque d’un éclatement de l’Europe monétaire par l’Italie maitrisé, elles vont calmer le jeu une fois connue l’ampleur du dérapage des Français. Le pacte budgétaire dont elles surveillent l’application ne va pas en sortir renforcé, les bouches ont commencé à s’ouvrir pour le descendre de son piédestal.
Sans attendre, Pierre Moscovici se penche sur le cas suivant, celui de l’Espagne. La dette publique est supérieure aux objectifs de la Commission et une grande incertitude règne sur la capacité que va avoir le gouvernement Sanchez à faire adopter son budget 2019. Sans crainte d’empiéter sur ses prérogatives, le commissaire européen s’interroge sur la hausse par décret de 22% du salaire minimum annoncée par le Premier ministre. Est-elle bien « compatible » avec les équilibres budgétaires et « proportionnée » à la productivité du pays ? Pour s’en exonérer, lui suffit-il d’affirmer que « le rôle de la Commission tel que je le conçois n’est pas de mettre les mains sous le capot des politiques économiques des États membres » tout en le faisant ?
Toujours aux manettes, la BCE concède pour sa part un tournant, mais avec prudence. Mario Draghi constate le ralentissement de la croissance, en phase avec le FMI qui l’observe aux États-Unis et dans le reste du monde. Selon ce dernier, il va être « beaucoup plus marqué » en 2020 que l’année prochaine. Et, selon la BCE, le PIB européen ne devrait plus croître que de 1,9% cette année, et de 1,7% l’an prochain, contre 2,0% et 1,8% attendus lors des précédentes prévisions de septembre.
L’arrêt fin décembre de son programme d’achats de titres ne doit pas faire illusion, elle reste l’arme au pied, prête à réinvestir, plus que jamais garante de la stabilité du système financier et de la construction européenne, puisque leurs destins sont étroitement liés. Mesure conservatoire, la BCE aura toujours à son bilan 2.600 milliards d’euros de titres souverains en compensant par de nouveaux achats l’arrivée des titres à échéance, pour une valeur d’environ 200 milliards d’euros l’année prochaine, exerçant par la même une pression constante sur leurs taux. Combien de temps cela durera ? « une période prolongée » après le premier relèvement par la BCE de ses taux directeurs, au plus tôt à l’été prochain…
Ce contexte n’autorise pas de grandes ambitions et cela tombe bien à observer les dirigeants européens. Dix-huit mois de négociations aboutissent à accoucher d’une souris à propos de la refonte de l’Union monétaire. Le budget de la zone euro projeté est désormais qualifié « d’instrument budgétaire », destiné à favoriser la convergence des politiques européennes sur le modèle requis, et non la relance économique. La finalisation de l’Union bancaire est remise à quand les banques seront saines, et la reconfiguration du MES, qui va tenir les cordons de la bourse, au cas où une aide est requise par un pays, aura pour objet de partager avec la Commission, qui voit son rôle conciliateur amoindri, la veille du respect du pacte budgétaire. Les dirigeants allemands eux aussi, ne changent pas de cap.
Sur ce dernier dossier, les dirigeants européens peuvent au moins se prévaloir d’un accord a minima. Mais ce n’est pas le cas sur celui des migrations. L’accalmie intervenue sur les deux grandes routes empruntées par les réfugiés est trompeuse, et ils ne prennent toujours pas la mesure de ce qui va survenir. Le dispositif de Dublin est caduc, et ils sont dans la totale incapacité d’en imaginer et d’en adopter un autre. Ce qui impliquerait non pas d’harmoniser les règles européennes du droit d’asile, comme ils s’y essayent, mais de commencer par les revoir intégralement afin d’être en phase avec l’époque. Et d’envisager d’autres formes d’aide que l’accueil, à la mesure des exodes qui s’annoncent, que ces camps longue durée où les réfugiés sont parqués sans espoir de retour à une vie normale.
L’adoption du budget de l’Union européenne pour 2021 à 2027 ne va pas être une petite affaire. Côté recettes, la contribution britannique annuelle de 11 milliards d’euros va faire défaut, et la liste est longue des dépenses supplémentaires à financer, comprenant notamment l’économie numérique, la défense, la lutte contre le terrorisme et la surveillance des frontières. Contribuant à hauteur de 70% du total des dépenses, les dépenses agricoles communes (PAC) et les fonds de cohésion destinés à gommer les inégalités des nouveaux pays membres sont particulièrement sur la sellette.
De manière criante, il manque cette dimension sociale primordiale qui redonnerait une raison d’être à l’Europe. Ils sont décidément indécrottables, toute une éducation est à faire à l’« ère de la colère » dont l’avènement est craint par Christine Lagarde…
Bonjour
un des derniers billets de JLM
https://melenchon.fr/2018/11/29/leurope-se-prend-les-pieds-dans-le-tapis/
contient ceci à propos du TSCG :
…/… Mais ce texte prévoyait une limite dans le temps à l’application de ses règles. Ça, je l’avais oublié totalement, je l’avoue. Pourtant cette limite juridique du TSCG est bel et bien inscrite à son article 16 : « dans un délai de 5 ans maximum à compter de la date d’entrée en vigueur du présent traité, sur la base d’une évaluation de l’expérience acquise lors de sa mise en œuvre, les mesures nécessaires sont prises conformément au Traité de l’Union européenne, afin d’intégrer le contenu du présent traité dans le cadre juridique de l’Union européenne ». Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union Économique et Monétaire (TSCG) a été signé le 2 mars 2012. Il est rentré en vigueur le 1er janvier 2013. Donc le délai de vie juridique prévu est dépassé. …/…
l’article 16 est bien libellé comme ça :
https://fr.wikisource.org/wiki/Trait%C3%A9_sur_la_stabilit%C3%A9,_la_coordination_et_la_gouvernance_au_sein_de_l%27Union_%C3%A9conomique_et_mon%C3%A9taire
c’est l’interprétation qui en est faite par JLM qui m’interroge.