Le spectacle doit continuer ! Affaiblis, Angela Merkel et Emmanuel Macron vont demain lundi se soutenir mutuellement à Berlin en clôturant les commémorations de la Grande guerre. Avec l’aide involontaire de Donald Trump qui leur a donné l’occasion de lui opposer un front uni à propos de la création d’une armée européenne, qu’il a condamné.
S’appliquant à un exercice très calibré, les deux chefs d’État et de gouvernement affirment leur volonté de parler d’une même voix mais en restent à des généralités. Deuxième grand moment après le discours d’Angela Merkel devant le Parlement européen, celui que va prononcer Emmanuel Macron devant le Bundestag répond à l’exigence politique de préserver et relancer un projet européen bien mal en point.
Dès mercredi, de passage à Paris, le président du Bundestag Wolfgang Schäuble avait donné le ton en déclarant « je vois un nouvel élan dans nos relations et nous allons tout faire pour le soutenir ». L’emphase est depuis de rigueur, Bruno Le Maire surenchérissant côté français avec « un grand pas en avant » d’accompli. On remplit du vide avec de grands riens.
Pénétrés de leur métier, nos dirigeants ne sont certes pas dénués de bon sens à l’occasion et ont désormais compris que des actes en accord avec leurs paroles sont attendus pour redonner crédit à la construction européenne, après tant de déconvenues. Et il n’est pas certain que la création future et lointaine d’une armée européenne soit ressentie dans l’opinion comme étant une priorité, malgré le fort sentiment d’insécurité régnant, car de ce point de vue l’ennemi est déjà dans nos murs ! Mais on fait avec ce que l’on a.
Angela Merkel a donc apporté son soutien au projet du président français, sans toutefois préciser la configuration et le calendrier de mise en œuvre de cette armée. À Strasbourg, tout a été dit en une seule phrase par la chancelière lorsqu’elle a proposé « d’élaborer une vision nous permettant d’arriver un jour à une véritable armée européenne ».
La dirigeante allemande a aussi rappelé avoir proposé « la constitution d’un conseil de sécurité européen avec une présidence tournante au sein de laquelle des décisions importantes pourront être plus rapidement prises ». Elle prône d’abandonner quand c’est possible « le principe d’unanimité », afin de pouvoir prendre les décisions plus rapidement, le domaine l’impliquant incontestablement…
Sur les autres points à propos desquels Emmanuel Macron a tenté d’avancer, Angela Merkel a été plus vague encore si cela est possible. Elle continue de freiner sur la proposition d’une taxe européenne visant les géants du numérique et ne dit rien de concret sur la réforme de la zone euro. À une exception près, La France et l’Allemagne s’étant entendues vendredi dernier sur les contours d’un budget pour la zone euro, le projet phare d’Emmanuel Macron. Mais pas sur son montant, qui reste indéfini, alors que des centaines de milliards d’euros étaient demandés. L’Allemagne n’en a accepté que le principe – c’est l’essentiel, est-il maintenant expliqué – et a verrouillé strictement son utilisation.
Muni de ce maigre viatique, le moteur franco-allemand va avoir quelque peine à faire croire à son redémarrage et à inverser la dynamique de scepticisme dans laquelle la campagne des élections européennes s’est engagée. Décidément, tous les coups leur réussissent !