Avec des émergents qui tiraient la croissance mondiale, tout allait bien. Mais le temps des BRICS que rien n’arrêtait est révolu. Va-t-il falloir désormais renoncer aux bienfaits présumés de ce « découplage » avec l’économie des pays émergents et en voie de développement qui représentent dorénavant plus de la moitié du PIB mondial ?
Dans l’immédiat, plusieurs d’entre eux subissent durement les effets du retrait des capitaux américains qui étaient venus chercher du rendement et qui repartent brutalement aux États-Unis maintenant que les taux y remontent. Le dollar reprenant des couleurs, le coût de leur dette publique et privée en fait autant, la plupart du temps libellée dans cette monnaie.
L’Argentine et la Turquie ne sont pas seules atteintes, le Brésil et l’Afrique du Sud le sont également, ainsi que tous ceux qui subissent le contrecoup du ralentissement de la croissance chinoise. En raison notamment de la baisse des cours des matières premières.
Il serait toutefois erroné de ne voir que des raisons conjoncturelles dans cet essoufflement. Les émergents subissent le contrecoup de l’arrêt de la mondialisation triomphante et du développement intensif des échanges commerciaux qui allaient de pair. Ils sont face à un véritable changement de modèle imposé auquel ils ne sont pas préparés, et doivent rechercher en priorité non plus dans leurs exportations mais dans le développement de leur marché intérieur le levier de leur croissance. Et afin de la financer, ils vont devoir s’endetter à des taux plus élevés qu’auparavant.
Les pays émergents vont-ils finalement émerger ? Rien n’est moins certain désormais pour ceux qui ne se situent pas en Asie, au plus près de la Chine.
En général, leur croissance ne réduisait pas les inégalités mais elle diminuait au moins la pauvreté et renforçait un peu des classes moyennes chichement dotées. L’illusion régnait que les plus démunis, réduits à subsister dans l’économie informelle, allaient progressivement intégrer l’économie formelle et que tout rentrerait dans l’ordre.
L’enjeu était et reste d’adopter un modèle de développement qui ne singe pas celui des pays développés, au risque avéré de laisser pour compte une partie importante de la population. Ce qui est déjà très largement engagé et donne lieu à la multiplication des mégacitées et de leurs envahissants quartiers déshérités.
Les sociétés des pays développés sont des vitrines attrayantes et trompeuses. D’autant qu’en leur sein une sorte de tiers-mondialisation s’est répandue. Au bout du compte, les deux modèles des sociétés émergentes et développées se rejoignent, mais pas là où il était attendu.