L’Aquarius est à quai dans le port de Marseille, dans l’attente qui se présente longue de l’obtention d’un hypothétique pavillon lui permettant de reprendre sa mission de sauvetage. Reprenant symboliquement le flambeau, le Mare Jonio et l’Astral poursuivent sa veille dans les eaux internationales au large de la Libye, mais pour combien de temps encore ? Pour les autorités européennes, les ONG sont des fauteurs de trouble dont l’action humanitaire doit impérativement cesser, ils ne sont pas loin du but.
Sans le derniers recours que celles-ci représentent, la Méditerranée n’est plus qu’un cimetière pour les désespérés qui tentent de rejoindre l’Europe pour s’y réfugier. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 1.700 réfugiés s’y sont noyés depuis le début de l’année.
Au péril de leur vie, 100.000 réfugiés sont néanmoins parvenus à se faufiler et à rejoindre l’Europe. 40.000 d’entre eux ont atteint l’Espagne, dont 35.000 par la mer. Le pays est devenu la principale porte d’entrée depuis que l’Italie a fermé ses ports, les garde-côtes espagnols recueillant en mer les réfugiés pour les y débarquer. La Marine royale marocaine a pour sa part comme instructions de refouler les réfugiés au Maroc et exécute ses ordres. À deux reprises, lors d’opérations d’interception, elle a même tiré à la mitrailleuse sur leurs embarcations au prétexte « d’intentions belliqueuses »… D’après les chiffres officiels, le Maroc se prévaut d’avoir stoppé 54.000 tentatives de passage en Europe et démantelé « 74 réseaux criminels de traite d’êtres humains » depuis le début de l’année.
En raison de ces résultats, le gouvernement marocain a été convié à participer cette semaine à une réunion des ministres de l’Intérieur du Royaume-Uni, d’Allemagne, d’Espagne, d’Italie, de Pologne et de France. Cette rencontre visait à préparer une réunion des ministres de l’Intérieur des 28, demain vendredi à Luxembourg, et un sommet des chefs d’État et de gouvernement fin octobre.
Profondément divisées, à quoi les autorités européennes vont-elles aboutir si ce n’est à l’étalage de ce qui les oppose, sachant qu’elles sont pourtant d’accord sur le contrôle des frontières. Accorder l’asile à une partie des réfugiés, après sélection suivant des critères plus ou moins restrictifs, suppose de mettre en place un dispositif d’accueil d’ensemble, et ils sont loin du compte comme l’on sait.
Angela Merkel, qui tente de négocier un accord avec le gouvernement italien, en application du compromis qu’elle a passé avec son ministre de l’intérieur Horst Seehofer, en fait l’expérience en se heurtant à l’intransigeance de Matteo Salvini. Il avait dans un premier temps été question d’appliquer l’échange des réfugiés avec l’Allemagne, l’Italie acceptant le retour de ceux qui n’ont pas obtenu le droit d’asile si un nombre égal de demandeurs d’asile est accepté en contrepartie. Mais le ministre italien a ensuite fait monter les enchères en exigeant une révision du traité de Dublin et la fin de la mission navale européenne Sophia, qui porte secours aux réfugiés en Méditerranée. Pour faire bonne mesure, il a menacé de supprimer les droits d’atterrissage des avions transportant vers l’Italie des réfugiés expulsés d’Allemagne devant la rumeur du démarrage d’une opération de ce type.
Peut-on faire le procès des autorités européennes en remarquant que la polarisation du débat sur le sort à accorder aux réfugiés et la dénonciation des xénophobes les soulagent ? Ils peuvent ainsi s’attribuer le beau rôle face à l’émergence d’un courant nationaliste qui ne cesse de se développer. Dernier cas en date, en Espagne que l’on croyait prémunie d’une telle engeance, un petit parti fondé par des militants catholiques opposés à l’avortement, Vox, vient de tenir un meeting à Madrid auquel 10.000 personnes ont assisté sur le thème « Faire l’Espagne grande à nouveau ». Ils ont dénoncé à la fois l’indépendantisme catalan et la politique d’accueil des réfugiés, dans le contexte de l’exhumation des cendres de Franco.
Peut-on donc écarter l’idée que cela leur évite de relayer l’inquiétude exprimée par Christine Lagarde. Celle-ci espère « que nous ne sommes pas tous victimes d’une sorte d’amnésie collective sur ce qui s’est passé il y a dix ans, et sur ce qui s’est passé bien plus auparavant quand les tensions géopolitiques ajoutées au protectionnisme engendrèrent de terribles développements ». Elle ne se prive pas, de concert avec les autres organisations internationales, de décrire les nuages qui s’accumulent et s’additionnent : la hausse des taux américains, l’accroissement accéléré de la dette privée et publique et la résurgence du protectionnisme.
Ces interrogations-là seraient-elles inaccessibles à des chefs d’État et de gouvernement qui se révèlent incapables de relancer l’économie européenne, divisés par leurs intérêts divergents, rivés à leur pensée dogmatique ?
Je pense qu’on les a inventés avec l’aide de Soros.
Contraste entre l’histoire tragique des milliers de migrants se noyant en mer, et cette déclaration de Madame Lagarde, qui parle d’amnésie d’il y a 10 ans…Elle aurait pu parler d’une amnésie d’il y a 90 ans et d’une fameuse crise qui avait amener un grand président américain à rompre radicalement avec une certaine politique économique, et quelques grands économistes à essayer de trouver des voies nouvelles. Le FMI est largement responsable de politiques économiques administrées aux pays qui étaient dits en voie de développement, qui ont généré des politiques exogènes et contribué à de la pauvreté et des fortes inégalités. Il y a bien eu quelques politiques correctives, dits programmes de lutte contre la pauvreté, et des discours (creux) pour des politiques plus « inclusives », mais cela n’a pas suffit â masquer le rouleau compresseur d’une politique d’ajustement structurelle, largement d’inspiration néolibérale (certain se souviendront peut être d’un fameux discours du président Sankara, cher dans le coeur de nombreux africains, et qui fut assassiné quelque temps après). Alors Madame Lagarde ne pourrait-elle pas plutôt parler de mémoire sélective ?