Pour couronner le tout, les banques grecques boulet au pied

Sur la pointe des pieds, les dirigeants européens ont organisé la sortie de la Grèce de son 3ème « plan de sauvetage » après avoir salopé le travail et dévasté le pays. Tout cela pour repousser l’échéance inéluctable de la réduction d’une dette proprement insoutenable. Mais l’admettre est incompatible avec la doxa et le déni prévaut une fois de plus, quitte à saluer non sans une forte dose d’hypocrisie le « courage » de grecs à qui ils n’ont laissé d’autre choix.

Tout le monde, BCE comprise, a mis de l’huile dans les engrenages afin que le retour sur le marché de la Grèce se passe en douceur, plus tard, et que l’on ne parle plus du « sauvetage » de ce pays qui a bien failli aboutir à l’effondrement de la zone euro. Certains, parmi les dirigeants allemands, ont d’ailleurs poussé à ce que la Grèce en sorte, dans l’espoir d’un solde de tout compte. C’est dire leur maitrise de la dynamique de la crise qu’ils ont eu tant de mal à dompter. Un nom mérite d’être distingué, celui de Wolfgang Schäuble bien sûr !

Les Grecs, qui ne sont pas près de s’en remettre, vont faire avec. À titre symbolique, le premier ministre Alexis Tsipras, qui reste sous un régime de « surveillance renforcée », négocie péniblement avec les autorités européennes l’annulation d’une nouvelle réduction des retraites et promet des baisses d’impôts, un matelas financier de sécurité lui permettant de ne pas se rendre sur le marché avant deux ans et demi. Mais tout dépendra de la réalisation d’un excédent budgétaire primaire (avant paiement des intérêts de la dette) de 3,5%, dans une période de baisse de la croissance affectant toute l’Europe.

Les banques grecques ne vont pas lui être d’un grand secours. Elles ont perdu 40% de leur valorisation boursière depuis le début de l’année, ensevelies sous une montagne de prêts non performants (NPL) dont elles ne savent pas comment se débarrasser. L’hypothèse de la création d’une bad bank – la formule adoptée par le gouvernement espagnol – n’est plus d’actualité en raison de la nouvelle réglementation de la résolution bancaire.

Le gouvernement italien a d’ailleurs dû adopter une autre formule en apportant sa garantie aux tranches seniors des NPL titrisés, pendant une période qu’il vient de renouveler. Pour leurs acquéreurs, cela réduit leur risque à celui de la dette souveraine et diminue le coût de la titrisation. En Grèce, les banques et le Fonds hellénique de stabilité financière nient pour l’instant l’adoption d’un tel plan. Bien que le Frankfurter Allgemeine Zeitung croit savoir qu’une partie du matelas de sécurité dont dispose le gouvernement pourrait être affecté au financement de ce type d’opération.

En dépit des règles nouvelles du « bail-in » destinées à les protéger, les contribuables sont à nouveau sollicités pour aider les banques. Dans l’espoir qu’une fois leur bilan suffisamment nettoyé de leurs NPL – les régulateurs fixent un objectif de 45 milliards d’euros pour un total de 90 milliards inscrits à leurs bilans – elles pourront soutenir la relance de l’économie grecque, dans le but d’atteindre l’objectif de 3,5% de croissance.

8 réponses sur “Pour couronner le tout, les banques grecques boulet au pied”

  1. En ne voulant pas « restructurer » la dette grecque pour surtout ne pas donner un exemple pour les autres pays de la zone euro, en fait cela à donner un très mauvais « exemple » de ce qu’était la zone euro, c’est-à-dire une camisole de force impitoyable, au profit d’abord des grandes banques, et défiant tout principe démocraphique. J’avais entendu dire que Shauble serait un fervent partisan de l’UE. Je me demande comment cette personne a priori rationnelle concilie, disons, une sorte d’idéal européen, avec le traitement qui a été infligé à la Grèce. Je pense à lui, mais je pense au courant qu’il représente en Allemagne et au-delà. Car ceux là même sont en partie responsables de la désintégration de l’UE qui se déroule sous nos yeux…..

  2. Mediapart : Edifant !!

    « La fable de la renaissance économique de la Grèce n’aura pas duré deux mois. Alors que tous les responsables européens saluaient le 21 août la fin du troisième plan de sauvetage et son redressement spectaculaire, le pays se retrouve déjà aux prises avec d’immenses difficultés, attaqué par son maillon le plus faible : ses banques.

    Une tornade boursière s’est abattue sur les principaux établissements bancaires tout au long de la semaine, alors que les inquiétudes s’accumulent sur leur mauvaise santé financière, l’ampleur des mauvaises créances, leur sous-capitalisation.

    Mercredi, les banques grecques ont enregistré une baisse de plus de 30 % en bourse. Et la chute s’est poursuivie jusqu’à vendredi. Elles ne sont plus , selon le jargon boursier, que des « pennies stocks », le cours de leurs actions dépassant à peine la barre de 1 euro. Leur capitalisation boursière est désormais à peine au-dessus du milliard d’euros, notamment pour la plus grande d’entre elles, Alpha Bank.
    Emporté par la chute des banques, tout a dévissé. L’indice de la bourse d’Athènes (Athex) est au plus bas depuis dix-huit mois, retrouvant ses niveaux du printemps 2015, au plus fort de la crise de la Grèce quand sa sortie de la zone euro était ouvertement évoquée. Dans le même temps, les taux de la dette se sont envolés, allant jusqu’à 4,99 %. Une intervention, sans doute de la Banque centrale européenne, a permis de les ramener à 4,51 % dans la journée de vendredi.

    Dès mercredi soir, le gouvernement grec a tenu une réunion d’urgence pour étudier la situation. Depuis les réunions avec les banquiers et la banque centrale de Grèce s’enchaînent pour essayer de trouver une solution de sortie de crise. « La situation est tout à fait gérable », a soutenu le ministre des finances, Euclide Tsakalotos, tentant de rassurer les investisseurs et les déposants, sans vraiment de succès. Une nouvelle fois, Athènes se retrouve au bord du gouffre financier.

    Comme si la situation n’était pas déjà assez compliquée, le conseil du Mécanisme européen de stabilité financière (MES) s’est senti obligés de rajouter du sel sur la plaie. Alors que des rumeurs évoquaient sa possible intervention pour venir en soutien de la Grèce, l’institution européenne, qui a pour mission de gérer les crises financières en Europe, a publié un communiqué vendredi démentant toute intervention en faveur d’Athènes.

    « Le MES suit attentivement les derniers développements dans le secteur financier grec, dans le cadre de ses obligations en tant que principal créancier de la Grèce. Néanmoins, les informations selon lesquelles le MES participe à des travaux préparatoires pour une possible intervention en faveur des banques grecques sont fausses », a-t-il indiqué. En clair, l’Europe considère que seule sa position de créancier importe et se lave les mains du reste. Le gouvernement grec est prié de trouver une solution tout seul pour ses banques.

    La réaction de MES n’a rien de surprenant : elle est conforme à l’état d’esprit des responsables européens. Il suffisait de voir leur lâche soulagement au moment de la sortie de la Grèce du troisième plan de sauvetage en août, acceptant, dans le déni le plus total de la réalité, de lâcher Athènes dans la nature, sans lui avoir accordé le moindre répit sur sa dette – 180 % du PIB – et avec une feuille de route irréalisable. Pour comprendre leurs pensées profondes : l’Europe ne veut plus entendre parler de la Grèce.

    Pour les responsables européens, les 15 milliards d’euros qui ont été accordés à Athènes à l’occasion de la sortie du plan de sauvetage sont

    capture-d-e-cran-2018-10-06-a-16-50-05pour solde de tout compte. Le gouvernement grec est prié de se débrouiller par lui-même. Comme avait osé le dire le commissaire Pierre Moscovici, « la Grèce va pouvoir définir sa propre politique économique ». Dans les faits, elle reste sous étroite surveillance de la Commission européenne, qui continue à imposer sa loi et ses choix – la nouvelle baisse des retraites en est une dernière illustration.
    Mais les responsables européens peuvent-ils s’en tirer à si bon compte sur le dossier grec ? Tout ce qui advient est le fruit de leur gestion calamiteuse. Ils ne peuvent feindre d’ignorer l’état de santé des banques grecques et le risque que cela fait peser sur l’ensemble de l’économie du pays.

    Car la situation du secteur financier grec est tout sauf une découverte. Les banques sont le lieu de cristallisation de toute la crise depuis dix ans. Elles portent dans leur bilan tous les stigmates des différentes secousses qui ont frappé le pays en une décennie : la faillite de l’État grec qui les a obligé, à la différence des autres banques européennes, d’accepter une dépréciation de la dette grecque dont les titres formaient l’essentiel de leurs réserves ; l’effondrement de l’économie grecque qui s’est traduit par une chute jamais vue dans le reste des économies occidentales de 27 % de son PIB sur une décennie ; la défiance des déposants grecs après le coup de force de la Banque centrale européenne au printemps 2015, isolant Athènes du reste de la zone euro, imposant une restriction sans précédent des retraits des dépôts et des crédits.
    Aujourd’hui, les banques grecques sont des mortes-vivantes. En dépit de trois vagues de recapitalisation depuis le début de la crise, elles sont sous-capitalisées, incapables d’offrir le moindre relais financier à une économie asphyxiée : plus de 50 % de leurs créances sont considérées comme douteuses, c’est-à-dire non remboursables ; la politique d’austérité imposée au pays se traduisant par un effondrement de la demande interne, des faillites en série, la ruine des ménages, tous désormais incapables de faire face au remboursement de leurs dettes.

    Pourtant cela n’a pas empêché l’Autorité bancaire européenne, le régulateur européen chargé de superviser le système financier, de venir prêter main-forte aux responsables européens dans leur déni de la réalité de la situation. En mai, celle-ci a confirmé que les banques grecques avaient passé tous les tests de résistance, censés simuler les conditions extrêmes de crise.
    Tout juste avait-elle indiqué qu’elles devaient encore lever des capitaux afin de renforcer leurs bilans. De son côté, la Commission européenne insistait dans le plan de réformes accompagnant la sortie de la Grèce du plan de sauvetage, pour que le gouvernement accélère les procédures de saisies immobilières et de ventes à l’encan, dans l’espoir de nettoyer au plus vite les bilans bancaires.

    Comme à son habitude, pour l’Europe, le marché, même dans ses pratiques les plus dures, est censé pourvoir à tout. L’ennui est que, dans le cas de la Grèce, le marché a disparu. Selon les estimations, les banques grecques devraient lever plus de 15,5 milliards d’euros pour renforcer leurs fonds propres. La deuxième banque grecque, Piraeus Bank, qui s’est vu intimer l’ordre de 500 millions d’euros par le régulateur européen, par exemple, n’arrive pas à lancer d’émissions, faute d’investisseurs intéressés.

    Après l’effondrement boursier de la semaine, les choses deviennent encore plus compliquées. Alors que les actionnaires ont déjà tout

    Evolution du cours de bourse des principales banques grecques
    Evolution du cours de bourse des principales banques grecques
    perdu dans les opérations précédentes de recapitalisation – les banques ont perdu 99 % de leur valeur depuis le printemps 2015 –, aucun investisseur ne paraît prêt à apporter des capitaux aux banques grecques pour l’instant.
    La défiance est totale. D’autant que la question de la survie de certains établissements bancaires est désormais sur la table. Même si les chiffres ne sont pas encore disponibles, les nouvelles alertes sur les banques ont dû provoquer de nouveaux retraits et une nouvelle fuite de capitaux, les déposants avertis par l’expérience de 2015, ne voulant pas se retrouver à nouveau piégés. Ce qui risque de placer les établissements bancaires grecs dans un état de stress maximal.
    Pour le gouvernement grec, il y a donc urgence à trouver une solution susceptible de stabiliser son système financier et ramener la confiance. Plusieurs schémas sont évoqués. L’un d’entre eux consisterait à créer une structure de défaisance étatique, une bad bank, qui reprendrait toutes les créances douteuses des banques, afin de leur permettre de nettoyer leur bilan. Mais cette solution, utilisée en Espagne et en Italie, risque d’être très consommatrice de capitaux.
    S’il veut reprendre la totalité des mauvaises créances de son secteur bancaire, le gouvernement grec risque d’être obligé la quasi-totalité des fonds qui lui ont été accordés en guise de couverture de sécurité, au moment de sa sortie de crise. Ce qui signifie qu’il n’aurait plus aucune réserve financière pour faire face à d’autres engagements et à d’autres difficultés. Et sa dette augmenterait encore.

    L’autre schéma est de créer une structure spéciale qui reprendrait les mauvaises créances bancaires, qui émettrait de la dette garantie par l’État à l’image de ce qu’ont fait la France et la Belgique, au moment de la faillite de Dexia. L’idée ne semble guère convaincre, selon la presse grecque. Qui pourrait être susceptible d’apporter des financements à une structure ? La signature de l’État grec serait-elle une garantie suffisante, s’interrogent les observateurs.

    Le temps presse. Mais les responsables européens ne semblent pas prêts à tendre la main à Athènes. Ils ont pour eux les traités : la nouvelle union bancaire, censée prémunir la zone euro d’une nouvelle crise bancaire, renvoie la responsabilité du système bancaire à chaque état. De plus, ils sont persuadés que la Grèce, depuis le printemps 2015, a été isolée de la zone euro, que tout risque de contagion a disparu. Ils pourraient une nouvelle fois être rattrapés par des réalités dérangeantes. »

    1. L’histoire d’un désastre annoncé… Comme me le commentait un proche :  » « Les banksters vont encore frapper. Triste pour nos petits grecs qui en ont pris pour trente ans en 2008 ..et qui vont en prendre dix de plus.. pour bonne conduite!o »

      1. Je ne résiste pas au « plaisir » de vous présenter le fameux « Zorbas » dont question dans l’article…il n’a qu’un oeuil, positionné à l’instant de la prise de vue (à l’heure 19 visualisée sur une montre vue de face, midi au Nord, 18h au sud) sur la petite île de Sapienza, la plus au sud du Péloponnèse…un moment de calme plein de menace..!
        https://drive.google.com/file/d/0ByJXppesHwuVZjJRWUpJN1k1YmZGMTQ1Y29hSnUxSzRROXZR/view?usp=sharing
        Pas un cadeau pour ceux qui se sont trouvés sur son passage..

Répondre à François Corre Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.