Les banques centrales ont bien travaillé, mais leur mission devrait être élargie dans l’avenir. Ce n’est encore qu’une petite musique, car l’heure est au désengagement, mais cette interrogation se fraye lentement un chemin.
L’importance de ce retour à la normalité est soulignée par le risque que les banques centrales se retrouvent démunies lorsqu’un nouvel épisode de la crise réclamera leur intervention. La prudence est comme on le voit de mise devant ce qui est ressenti comme une fatalité. En conséquence, les banques centrales s’engagent en priorité dans la remontée de leur taux et repoussent à plus tard la diminution qui suivra de la taille de leur bilan. Sans encore s’interroger sur l’objectif qu’elles se donneront alors, revenir à leur taille précédente ou se contenter d’une réduction, et laquelle.
On peut en tout état de cause s’attendre à un rythme peu soutenu, car ce serait un comble que les banques centrales, par leur précipitation et l’ampleur de leur désengagement, soient celles par qui le malheur arrive en déclenchant dieu sait quel processus. Les banquiers centraux ne disposent d’aucune expérience dans ce domaine, ne parlons pas de la théorie à laquelle ils pourraient se référer.
Compliquant la réflexion, les banques centrales ne marchent pas du même pied. La Banque du Japon, qui finance le déficit budgétaire du pays et maintient ses acquisitions massives de titres obligataires, est hors concours. Et la Fed a pris les devants sur la BCE, la Banque d’Angleterre et celle de la Chine ayant d’autres préoccupations prioritaires.
Quelle devrait donc être la nouvelle mission des banques centrales ? On n’ignore pas ce qu’elles ne savent pas faire, les banquiers centraux l’ont suffisamment répété, les outils monétaires dont elles disposent ne pouvant à eux-seuls favoriser la relance, les gouvernements devant agir de leur côté. On se rappelle également que la Fed a une mission élargie par rapport à celle de la BCE, devant non seulement veiller à l’inflation mais également à l’emploi, et que cette dernière pourrait voir aligner sa mission. Mais ce n’est pas de cela dont il s’agit.
Lorsqu’une nouvelle mission est envisagée, c’est pour régler ce qui ne l’a pas été. La BCE s’en plaint, Mario Draghi a souligné le besoin de disposer de nouveaux outils en s’appuyant sur l’ampleur du secteur non régulé du système financier, dans l’intention d’en obtenir une mission de surveillance et de contrôle de même nature que celle qui a été confiée à la BCE pour le système bancaire régulé. Car le shadow banking fait décidément souci. François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, pointe le doigt sur ces mastodontes que sont devenus les fonds d’investissement américains, qui en sont une importante composante. Peter Praet, l’économiste en chef de la BCE, exprime sa crainte devant le niveau atteint par l’effet de levier en son sein. Voilà qui a tout l’air d’une campagne discrètement menée…
Tant qu’à faire d’évoquer des problèmes que l’on ne sait pas résoudre, d’autres suggestions nettement plus hétérodoxes ont toutefois vu le jour. Le cadre orthodoxe actuel n’y est pas propice et devra céder lorsqu’il faudra trouver une solution aux gros problèmes pendants, notamment à la fuite en avant de l’endettement. Déjà, il a été souligné la disparité de traitement dont les États sont victimes par rapport aux banques quand celles-ci bénéficient de crédits à taux zéro, ou presque, des banques centrales. Et il a été remarqué que cette création monétaire d’ampleur n’a suscité en terme d’inflation marquée que celles des actifs financiers, en lieu et place de l’hyperinflation prédite. Serait-ce une voie royale, s’interrogent ceux qui rêvent d’un tour de passe-passe ?
Adair Turner, ex-président de l’autorité britannique de régulation des services financiers, n’est pour sa part pas un magicien. Usant des ressources des mécanismes financiers, il a préconisé l’émission de titres perpétuels à taux zéro par les banques centrales, puis la réalisation d’un swap de ceux-ci avec les obligations souveraines existantes. Reste à le décider.
L’heure n’est pas à ce genre de grandes décisions collectives. Donald Trump poursuit sa croisade contre le multilatéralisme en menaçant de quitter l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il bloque en attendant son fonctionnement en refusant d’agréer la nomination de juges nécessaires à son fonctionnement. C’est dire ce que l’on peut attendre de lui !
Non sans grands dégâts, le capitalisme a surmonté une épreuve. Mais il poursuit sa fuite en avant. Pour l’interrompre, il faudrait admettre que le cadre actuel n’est pas adapté.