Le nombre des réfugiés parvenant après de nombreuses épreuves à trouver refuge en Europe a totalement chuté, atteignant un niveau inférieur à celui de 2015. Et pourtant, la question était encore à l’ordre du jour du dernier sommet européen informel de Salzbourg, à niveau égal avec les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE, signe de son importance.
Comment expliquer ce paradoxe ? Les autorités européennes sont certes encore confrontées aux conséquences des arrivées massives de ces dernières années, mais l’exode au départ de la Turquie et de la Libye a été verrouillé et largement contenu, moyennant finances. La crise dans laquelle elles se débattent n’est plus migratoire, elle est devenue politique et secoue toute l’Union. Elle constituera le thème principal de la campagne électorale de l’élection du Parlement européen l’année prochaine. Oubliée la finance et ses turpitudes ! Escamotée la reconfiguration de l’Europe qui n’aura pas lieu !
Les débats de Salzbourg l’ont montré, les dirigeants européens ne parviennent pas à s’entendre sur un quelconque sujet dès lors qu’il s’agit des réfugiés. Ni sur une éventuelle répartition de ceux qui – en nombre très restreint – finissent par obtenir le droit d’asile, quitte à ce qu’elle se fasse pays par pays sur la base du volontariat, ni même sur un important renforcement de Frontex, l’Agence européenne des gardes-frontières et des gardes-côtes. On finirait par croire que c’est voulu.
L’Italie, la Grèce et l’Espagne redoutent une atteinte à leur souveraineté. Quant à la Hongrie, protégée par des centaines de kilomètres de barbelés à ses frontières, elle préfère faire son affaire de leur défense. Derrière ce beau principe, certains pays sont suspectés de laisser pénétrer plus avant les réfugiés en Europe centrale, sans les enregistrer afin de s’en débarrasser.
Deux approches non contradictoires ont été défendues lors du sommet. Celle d’Emmanuel Macron, qui peaufine son profil de principal opposant aux nationalistes, et celle de Sebastian Kurz, le chancelier autrichien allié à l’extrême-droite qui assure la présidence du Conseil européen. Le premier est même traité par Viktor Orbán de « chef de file des pro-migrants », ce qui ne manque pas de sel quand on connait sa politique.
Le président français propose de régler le plus simplement possible les désaccords avec les pays qui ne voudront pas de Frontex : ils devront sortir de Schengen. Et ceux qui n’accepteront pas « d’avantage d’Europe » ne pourront pas prétendre toucher des fonds structurels. Il illustre ainsi sa théorie des cercles, qui de trois initialement prévus pourraient se retrouver plus nombreux à ce compte-là.
Sebastian Kurz privilégie l’organisation en février prochain d’un sommet de l’Union européenne avec la Ligue arabe, sous influence égyptienne, afin de généraliser les accords passés avec la Turquie et la Libye. Se félicitant de l’efficacité du régime égyptien qui empêche tout départ de réfugiés du pays, il y voit le meilleur allié possible, avec comme objectif qu’il fasse école. Quitte à ce que ce sommet aborde d’autres sujets de coopération afin de lui donner une allure plus présentable.
Afin de camoufler leurs échecs, les dirigeants européens ont trouvé un terrain d’élection et ne vont pas se faire faute de l’arpenter.
Aux dernières nouvelles, l’Aquarius 2, qui sous ce nouveau nom bat pavillon panaméen en remplacement du maltais qui lui a été retiré, a recueilli onze naufragés et a refusé de les transférer sur un garde-côte libyen. Dans quel port lointain va-t-il pouvoir les débarquer et dans quel délai ? C’est désormais le dernier navire continuant à naviguer au large de la Libye, la seule planche de salut.
Les élections européennes de l’année prochaine risquent fort de tourner au pugilat et à l’affrontement binaire, avant de se terminer en référendum Pour ou Contre l’UE (ou pour ou contre Macron pour la France, ce qui est la même chose).
Pour ceux des passagers de troisième classe qui auraient encore la tête hors de l’eau glacée, ou pour ceux de seconde qui commencent à avoir les pieds un tantinet humides, une cartographie des fonds de l’atlantique nord sera présentée le jeudi 11 octobre à Paris par le collectif des architectes navals atterrés :
http://atterres.org/simplenews-newsletter/conf%C3%A9rence-d%C3%A9bat-avec-les-economistes-atterr%C3%A9s-le-11-octobre-2018
Ou aussi de tourner à la ‘non participation’… 50, 60% d’abstention…?
Exact. Le parti des abstentionnistes – non pas celui des gens qui se désintéressent de la politique, mais celui des gens qui pensent que les dés sont totalement pipés -, restera le premier parti. Et de loin !
https://www.touteleurope.eu/actualite/l-abstention-dans-les-etats-membres-aux-elections-europeennes-2014.html
Claude Lévi-Strauss : « Le lointain éclaire le proche, mais le proche peut aussi éclairer le lointain ».
Le cas d’Ulysse, par Maurice Sartre : « Oui, en fait Ulysse par ses tribulations est une sorte de modèle du migrant, alors que c’est très paradoxale puisqu’il est pas du tout un migrant ; il est quelqu’un qui cherche à rentrer chez lui, mais partout où il arrive il est considéré comme un migrant ».
https://www.franceculture.fr/emissions/concordance-des-temps/dans-lantiquite-lexil-et-lasile
Avec un regard éloigné, cela prête à penser qu’en définitive, nous sommes tous des migrants de passage sur Terre !