L’inconnue des banques européennes subsiste

Les mesures de régulation financière ont principalement visé les banques, comme cela vient d’être largement évoqué. Les établissements européens, on en parle moins, sont loin d’avoir retrouvé la santé de leurs homologues d’outre-Atlantique ; ils abordent une nouvelle phase de la compétition avec eux dans des conditions défavorables, rencontrant de nombreux obstacles à leur concentration. Celle-ci est désormais engagée, impliquant si nécessaire des sauvetages financiers mobilisant des moyens de plus en plus gigantesques.

Les effets de la crise financière ne sont pas seuls à l’origine du retard pris par les banques européennes. Elles n’ont pas seulement récolté les cadeaux empoisonnés de leurs consœurs américaines en leur achetant leurs produits titrisés toxiques, elles ont depuis subi les effets des restrictions budgétaires européennes. Une masse de « prêts non performants » (NPL) en a résulté, plus visiblement détenus par les banques des pays du sud de l’Europe, en raison de la dégradation de leur situation économique, elle-même causée par les plans de sauvetage de la Troïka. Encore une réussite à inscrire au palmarès de la politique européenne !

Il est dorénavant de bon ton de considérer cette question comme en voie de résolution. Mais les chiffres sont là : en un an, la masse de ces actifs douteux n’a diminué que de 20%, après rachat à bas prix par des hedge funds. Et ces actifs étaient les plus faciles à négocier. Au 1er trimestre de cette année, selon la BCE, 688 milliards d’euros restaient ainsi en souffrance dans les bilans bancaires, contre 865 l’année précédente.

Comment s’en débarrasser ? En les vendant, les banques enregistrent une perte qu’elles doivent compenser par l’accroissement de leurs fonds propres, qui leur coûte cher. Unicredit a donc trouvé la solution en demandant à la BCE, pour la seconde fois, une exemption partielle d’un tel renforcement. Danièle Nouy, en charge de la supervision bancaire en son sein, n’a pas dit non en déclarant « nous avons à prendre garde à trouver le bon équilibre, car c’est une boite de Pandore. » Pour une fois, ce genre de discussion se pratique ouvertement…

La question des NPL ne revient pas seule sur le tapis, c’est également le cas de l’Union bancaire, qui y est liée en raison du blocage persistant d’autorités allemandes ne voulant pas entendre parler d’un accord sur son troisième pilier, la garantie des dépôts. Afin de ne pas être mis à contribution en cas de sauvetage de banques étrangères, elles font en effet de la résorption du stock des NPL une condition préalable à tout accord.

Un des candidats à la succession de Mario Draghi à la tête de la BCE, le gouverneur François Villeroy de Galhau, qui est à la tête de la Banque de France, a pris la mesure de la précarité de la situation des banques qui subsiste. Il cherche à obtenir la levée de ce préalable en appelant à la mise en place d’ici à la fin de l’année d’un filet de sécurité pour renforcer le Fonds de résolution unique (FRU) destiné à aider une banque en cas de faillite. Dans l’état actuel des accords, l’objectif est que ce fonds constitué en 2016 soit progressivement abondé par les banques pour atteindre 55,7 milliards d’euros… en 2024. Le gouverneur, conscient de l’imperfection de ce calendrier et de la modicité de ce montant au regard de celui des sauvetages, propose de créer un filet de sécurité en complément. Le Mécanisme européen de stabilité (MES) mettrait à sa disposition une ligne de crédit, dont il se contente prudemment de préciser qu’elle « devrait être suffisamment élevée pour être crédible ».

Le renforcement des banques européennes ainsi que leur sauvetage est donc très relatif, à coups d’exemptions de mesures de régulation ici et de montages financiers à plusieurs étages là. Mais les interrogations ne s’arrêtent pas là. Les banques allemandes gardant largement leur mystère, une très large partie du secteur étant situé en dehors du périmètre de la surveillance de la BCE. Les résultats de la « plongée en eaux profondes » que celle-ci effectue depuis juin dernier dans les livres de BNP Paribas, Société Générale et Deutsche Bank ne devraient pas non plus connaître une grande publicité lorsqu’elle se terminera à l’automne. Il y a toujours quelque chose à gratter.

Qualifié de «non-sujet » par les banques, l’exercice vise à comparer le calcul de valorisation des risques effectué par les banques afin d’établir d’éventuelles discordances. Une telle comparaison effectuée par l’Autorité bancaire européenne (ABE) au sein d’un panel de 35 banques de 13 pays avait mis en évidence dès 2012 la nécessité d’ « harmoniser le calcul du risque ». Une formule signifiant avec la pudeur requise que les banques testées en faisaient un peu trop à leur tête… Comment croire que les plus grandes n’en feraient pas autant ?

3 réponses sur “L’inconnue des banques européennes subsiste”

  1. @François Leclercq

    Pourriez-vous nous dire comment sont répartis les NPL entre les ménages, les entreprises et les établissements financiers ?
    On y verrait plus clair, non ?

    1. Données pas accessibles, mais les ménages et les entreprises sont en cause. Ce qui est intéressant, c’est de noter que ces NPL ont pour origine la politique budgétaire et l’austérité imposés.

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