La débâcle des monnaies des pays émergents a salué à sa manière le dixième anniversaire de la faillite de Lehman Brothers. La banalisant, l’Institute of International Finance (IIF) a certes recensé neuf épisodes de chute de 30% ou plus des taux de change depuis 1980. Mais le contexte a changé et l’ampleur des conséquences de celle qui est en cours n’est pas arrêtée.
Démarrée en Turquie et en Argentine pendant l’été, la chute des monnaies a fait tache d’huile et s’est généralisée, frappant l’Afrique du Sud, l’Indonésie, la Russie, le Brésil et l’Inde… Partout, dans des contextes différents, le retrait des capitaux attirés par la hausse des taux de la Fed va doublement frapper. Car ils vont faire défaut quand ils étaient investis dans des activités économiques, mais aussi en raison de la hausse des taux américains qui va se répercuter sur le coût de la dette lorsqu’elle est libellée en dollars, de loin le cas général.
L’affaiblissement des monnaies émergentes par rapport au dollar – monnaie le plus souvent utilisée dans les transactions commerciales, – va augmenter le coût des importations, générant une inflation qui confortera les investisseurs étrangers dans leur décision de quitter le pays. Circonstance aggravante par rapport aux épisodes précédents, l’endettement des pays émergents ayant depuis considérablement augmenté, l’incidence de la hausse des taux sera plus élevée. Enfin, en dépit du désaccord de Donald Trump avec la Fed, celle-ci pourrait accélérer la hausse de ses taux en cas de reprise surprise de l’inflation aux États-Unis.
Jusqu’où ira la crise ? Peu probablement à des défauts de payement, le FMI pouvant si nécessaire intervenir comme c’est le cas en Argentine. Mais de forts ralentissements économiques prolongés, voire des récessions, vont en résulter. Et cela aura des conséquences pour les pays développés fortement exportateurs comme l’Allemagne ou le Japon.
La grosse inquiétude est ailleurs. Car si Donald Trump met à exécution ses menaces d’augmentation des droits de douane sur les importations chinoises aux États-Unis, envisageant même de taxer celles-ci dans leur totalité, la croissance chinoise s’en ressentira durement. Non sans répercussions sur la croissance mondiale. Aux prises avec un endettement colossal déjà destiné au départ à combattre une baisse de ses exportations il y a dix ans, la Chine ne pourrait plus réutiliser le même procédé.
La mondialisation connait un coup d’arrêt, mais la globalisation financière et économique produit toujours ses effets. La nocivité du rôle prépondérant du dollar américain se manifeste toujours autant. Mais la réforme du système monétaire international ne se fera pas à froid, les États-Unis ayant trop à y perdre. C’est l’un des enjeux à l’origine du choc avec la Chine. Devenue la première puissance économique mondiale, elle pourrait accélérer l’utilisation du yuan dans les transactions commerciales et précipiter le déclin du dollar. Ce serait pour celui-ci le commencement de la fin et pour les États-Unis, confrontés à la poursuite de leur endettement, la mise en cause de leur toute-puissance. Donald Trump joue gros jeu.