L’anniversaire de la faillite de Lehman Brothers et de ce qui s’en est suivi rempli les colonnes. Ce sont ceux qui étaient alors aux avant-postes qui sont le plus mis à contribution, ayant la parole libérée car n’étant plus impliqués au même niveau. Sur quoi mettent-ils le plus l’accent ? Rien n’est réglé dix ans après, en dépit des mesures de régulation financières. Confirmant une fois de plus que la mémoire est courte dans les milieux financiers au vu du conformisme qui règne chez leurs successeurs.
Pour aller à l’essentiel, il suffit d’aligner deux chiffres, le montant des actifs financiers et celui de l’endettement. Entre 2003 et 2016, le premier a progressé de 143.000 milliards de dollars à 340.000 milliards de dollars, et le poids de la dette privée et publique est passé de 116% du PIB mondial en 2007 à 225% aujourd’hui selon le FMI. Or sur ces deux questions à la source du déséquilibre du système financier, la réflexion n’a pas été engagée sauf dans quelques cénacles académiques. Le FMI, qui menait de longue date une réflexion à ce sujet, fait désormais preuve d’une grande prudence, car réduire les titres souverains, c’est pour le système financier comme scier la branche sur laquelle il est assis, car ils sont le garant de sa stabilité. C’est d’ailleurs pourquoi les réflexions sur l’abandon de la convention qui les considère sans risque ne sont pas prêtes d’aboutir… Avec ce paradoxe que plus l’endettement public augmente et sa soutenabilité décroit, plus les titres souverains sont indispensables pour stabiliser la masse grandissante des actifs financiers.
Il est fort rare de lire qu’il aurait fallu, profitant de la création du G20 et de la volonté d’agir qui s’était alors manifestée, repenser globalement le système financier. Et quand cela est évoqué, cela va rarement plus loin, n’abordant pas la question de la mauvaise allocation du capital qui va chercher du rendement dans la sphère financière et délaisse l’investissement dans l’économie. Même si parfois une interrogation ne suscitant pas de réponse ressort – la progression de l’endettement est-elle la condition indispensable à la reprise de la croissance ? – ce qui revient à poser la question précédente et à mettre en évidence la fuite en avant qui se poursuit.
Le danger représenté par la guerre commerciale menée par Donald Trump – en raison de son incidence négative sur la croissance – est largement dénoncé, sans produire d’effet, tandis que la dépréciation brutale des monnaies des pays émergents suscite une nouvelle vague d’inquiétude, les capitaux se rapatriant massivement aux États-Unis dans l’attente de la poursuite de la hausse des taux par la Fed. Les commentateurs sont à l’affut de ce qui pourrait déclencher un nouvel épisode aigu de la crise rampante, sur fond d’inquiétude généralisée.
Mais ils restent dans l’expectative, bien que pas nécessairement convaincus dans leur for intérieur de l’efficacité d’une régulation financière portant pour l’essentiel sur le renforcement de la solidité des banques, qui a mis dix ans à se dessiner mais est déjà mise en question aux États-Unis alors qu’elle n’est pas encore complètement appliquée en Europe. Avec l’essor et la place prise désormais par les transactions automatisées sur les places boursières, ou les hoquets sur le marché des Exchange Traded Funds (fonds indiciels cotés adossés à des tiers), des phénomènes amplificateurs des incidents sont apparus, confirmant que le risque systémique est celui contre lequel les financiers sont les moins prémunis. Ses mécanismes et moteurs sont indiscernables jusqu’au jour où ils se révèlent dans le maquis d’engagements réciproques de plus en plus complexes.
Il aurait fallu tailler dans le vif, jusqu’à l’os comme disent les financiers quand ils exigent la diminution des coûts ! Mais ils ne s’appliquent pas ce qu’ils exigent des autres. Étonnant, n’est-ce-pas ?