Des nombreuses critiques venant de tous bords pleuvaient depuis des jours sur Matteo Salvini, l’une des plus dures venue de l’archevêque d’Agrigente, le cardinal Francesco Montenegro. Elle annonçait le débarquement dans la nuit des réfugiés restés bloqués sur le pont du Diciotti sous les auspices de l’Église. Il avait donné la veille le ton dans La Stampa en affirmant à propos des réfugiés du Diciotti : « des fois il m’arrive de penser que s’il s’était agi d’animaux, on les aurait mieux traités ». On peut encore compter sur la charité chrétienne.
La justice italienne avait le même jour ouvert une enquête contre le ministre Matteo Salvini et son chef de cabinet, qui sont soupçonnés de « séquestration de personnes, arrestations illégales et abus de pouvoir ». Continuant de jouer les bravaches, sur le mode favori de l’extrême-droite, ce dernier affecte de ne pas s’en soucier : « les magistrats peuvent m’arrêter, mais pas la volonté de 60 millions d’Italiens ».
Si le ministre tient le crachoir dans les médias, il lui fallait portant trouver une issue, ne pouvant garder encore longtemps sur le pont d’un garde-côte italien à quai d’un port sicilien 150 rescapés demandeurs d’asile. Il avait déjà dû successivement accepter le débarquement des mineurs non accompagnés, sur l’injonction d’un procureur, et de malades, à la demande de la Croix-Rouge italienne. Et il n’a pas pu mettre à exécution ses fanfaronnades à propos du refoulement en Libye des réfugiés restants, les autorités officielles du pays le refusant.
Le chantage exercé sur les autorités de Bruxelles, bien que relayé par Luigi Di Maio et Giuseppe Conte, n’a rien donné comme il était prévisible. Seul le gouvernement albanais, non membre de l’Union européenne, s’est déclaré prêt à accueillir 20 réfugiés.
Matteo Salvini a dû se résoudre à annoncer samedi soir, après avoir juré à maintes reprises que pas un réfugié ne mettrait le pied sur le sol italien, que « les migrants à bord du Diciotti débarqueront dans les prochaine heures. Une grande partie des migrants sera hébergée par l’Église italienne, par les évêques qui ont ouvert leurs portes, leurs cœurs et leurs portefeuilles ». On a ensuite appris qu’un accord était intervenu entre les Églises italiennes, irlandaise et albanaise pour se répartir ces réfugiés, auquel le Pape en voyage en Irlande ne doit pas être étranger.
Ce qui était objet d’un chantage avorté – la diminution du versement de la contribution italienne au budget communautaire – est entretemps devenu la menace de bloquer son adoption, car la procédure prévoit l’unanimité des États membres. Le gouvernement italien espérant maintenant négocier en force avec cet argument l’assentiment de la Commission pour son propre budget. Il manque décidément de subtilité.
L’Italie au centre de ce qui suit, mais pas le problème des réfugiés/migrants…
Un super-intéressant entretien de mi-juin avec Yanis Varoufakis :
http://lvsl.fr/le-pire-ennemi-de-leurope-cest-le-dogme-qui-pretend-quil-ny-a-pas-dalternatives-entretien-avec-yanis-varoufakis)
Amha à approfondir..!
Merci pour ce billet et aussi pour celui de Varoufakis. Personnellement je pense qu’il a une certaine avance, lui et le mouvement DIEM25, dans la réflexion sur un avenir pour l’Europe (ou pas). Sa réflexion sur le populisme est intéressante, et lui donne (malheureusement) raison dans les deux cas des USA et de l’Italie. Quant à la plateforme DIEM25, dommage qu’elle manque de visibilité (en France) et de « praticité » (d’autant qu’il y a en plus l’obstacle de la langue (tout le monde n’est pas à l’aise avec l’Anglais, surtout parmis les plus modestes….). L’échéance à la fois du Brexit et des élections européennes approche, et donc « revitaliser » le débat apparait urgent. Mon pari, soit cela affaiblira encore un peu plus toute pensée constructive sur une perpective de l’Europe, soit créera tout simplement une rupture. Mais comme l’avenir n’est jamais certain et que l’espoir fait vivre, il serait urgent de promouvoir un contre-projet pour l’Europe (la période néfaste des USA y serait pourtant une circonstance favorable, par défaut….).
Je trouve que, pour une fois, M. Leclerc, vous manquez un peu de subtilité sur cette affaire. Ce n’est pas votre habitude, pourtant. Sans doute un vieux fond de morale chrétienne. Je n’ai rien contre.
Mais en politique, il faut s’abstenir de toute émotion. Ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre (Spinoza). Rien ne s’est dégonflé, au contraire ! D’accord, Salvini a été cornerisé sur cette affaire par des critiques venant de tous bord. Mais a-t-il plié, en aucun cas. Il a bien fait de ne pas insister, la situation étant devenue sans issue. Mais il a obtenu l’essentiel : Démontrer l’absolue mauvaise foi et hypocrisie de toutes les autorités européennes.
Démontrer que la situation est bien, sans retour, la crise ultime pour l’Europe. 70% des Italiens le soutiennent, soit le double de la légitimité de ses adversaires. Alors, on va où ? Réponse : vers la dissolutio de l’Union et le retour aux nations qui est son but. On verra bien. Mais moi je pense que Salvini vient de marquer un ppoint decisif pour la suite. Nous verrons bien.
Rien n’est joué, bien entendu ! Mais dans l’immédiat environ 130 réfugiés vont être accueillis en Italie en dépit du refus catégorique de Matteo Salvini. Je ne vois pas en quoi cela augure de la suite.
« Alors, on va où ? Réponse : vers la dissolutio de l’Union et le retour aux nations qui est son but. » Vous croyez Bonobo ? Vous que c’est cela le résultat de la dissolution de l’Union, un retour aux nations ? Enfin vous ou ces gens pensent cela ?
Non, si l’UE explose, c’est un retour à la Guerre Mondiale ouverte et totale et à la destruction des nations, restera peut-être, si le conflit n’est pas généralisé atomique, les Etats Empires (USA, Chine, Russie)… Que pèse l’Italie, la GB, l’Allemagne ou la France dans ce monde ? Rien, nada, que dalle, ou pas plus que Florence, Venise, Amsterdam, qui hier comptaient mais qui ne sont rien aujourd’hui. Et encore la fRance , elle, a l’arme nucléaire comme carte magique, mais bon pas gagnant face à la puissance des 3 Etats Empires pris en simultané et si ils décident de se partager les richesses planétaires et de réguler les problèmes qui ne manqueront pas d’advenir avec les différents solitons encours qui se multiplient (climat, migrations forcées des populations, nucléaire civil, déplétions des énergies fossiles, inégalités, rancoeurs etc etc). Ces 3 là ont un intérêt commun dans un Monde en pleine déconfiture.
Que ces nationalistes sont stupides, s’en est affligeant.
Je ne comprends toujours pas l’argument qui veut que si l’EU disparaisse c’est la guerre mondiale.
1 – Les armées européennes ne sont que l’ombre d’elles-mêmes (avec un stock de 15 jours en bombes, autant en munitions ….), un approvisionnement qui vient de l’étranger, …
2 – Avec l’individualisme poussé à l’extrême, qui est prêt à prendre les armes (sans parler des communautés qui refuseront de prendre partie …) ?
Pour ma part, je pense que l’explosion de l’EU ne s’accompagnera pas d’une guerre armée entre pays. Par contre avec la chute de la confiance des pays européens et probablement une chute du commerce, il va falloir revoir notre niveau de vie (et de notre consommation).
Une partie de la population va-t-elle accepter de se serrer encore plus la ceinture ? Va-t-on vers des scènes de pillages comme on voit dans certains pays ?
En attendant, on continue notre trajectoire : toujours plus de croissance (personnes et biens), des villes qui s’étendent sans fin et une Terre qui reste de la même taille et dont les ressources s’épuisent … je vous laisse imaginer la suite …
Bonjour M. Leclerc et vraiment merci pour votre merveilleuse lucidité.
Concernant votre approche du moment italien (ce qui augure de la suite, votre question…), il me semble que la réponse est dans mon commentaire :
L’Italie, l’Italie profonde est en train de sortir de l’Union européenne pour de bon. Ce sera long et périlleux pour tout le monde. Raison de plus pour s’y préparer, au moins intellectuellement. Au minimum une crise monétaire affectant l’économie mondiale, crise politique et sociale, nous y sommes déjà en Italie. Restauration de l’état ? L’attelage 5M et Ligue est bancal et se clarifiera au profit de la Ligue.
Résultat ; un État autoritaire au cœur de l’Europe, défiant en acte tous les traités. C’est le début de la fin pour l’Union (pour de bon !).
Quant aux malheureux migrants, ils ne passeront plus l’obstacle des gardes-cotes italiens ; Ils iront se faire accueillir ailleurs, c’est à dire nulle part en Europe et il faudra bien alors se pencher sur le véritable problème : le retour à un développement maitrisé pour l’Afrique et le Grand Moyen Orient qui passe par l’éradication de tous les régimes maffieux et la construction démocratique. Vaste chantier !
Vive la Tunisie !
Bonjour, M. Leclerc
Et encore merci pour votre merveilleuse lucidité !
Concernant votre approche du moment italien, qu’augure t-il de la suite, vous demandez vous ?.
Il me semble que vous sous-estimez gravement Salvini. Il sait très bien ce qu’il fait : prendre le pas sur son partenaire du 5M. Et c’est réussi.
D’accord, L’Église accueille, L’Église finance, mais pour quelle politique ? L’Église Italienne, sauf à perdre tout crédit, ne saurait prétendre régler le problème des migrations. La charité n’est pas une politique.
Salvini veut le retour à la souveraineté nationale. Et il l’obtiendra. C’est donc la crise ultime de L’Union et il ne faut en aucun cas la regretter. L’Europe y survivra. Sera-ce par des régimes autoritaires ou démocratiques ? C’est ce qui doit nous préoccuper. Cheminer à travers la crise sans perdre nos idéaux, ce sera difficile mais possible.
Soyons clairs sur les migrations : une politique de l’accueil est tout simplement impossible. Elle rappellerait l’histoire des passagers d’un bateau qui voient arriver une grosse vague à tribord. Tout le monde se précipite à bâbord et fait chavirer le bateau ! Alors qu’il aurait survécu au passage de la vague.
Nous en sommes là;
L’Europe a les moyens d’aller aider ces populations chez eux. Ce n’est pas être xénophobe de le dire, c’est l’intérêt de tous et la seule issue.
En réalité, ces peuples le demandent et se décomposent de notre absence de réponse (voyez la Tunisie !);
Voyez la Libye, pays que nous avons détruit par une guerre simplement punitive. Qui peut et doit y remettre de l’ordre ? Quand à la profondeur de la crise africaine, qui peut et doit rebâtir une coopération mutuellement bénéfique ?
Une Europe restaurée sur ses bases, celle de l’avant- Traité de Lisbonne. Parfois, la politique, ce n’est pas si compliqué !