Le partage, ce très vilain gros mot

L’énormité de la rémunération des grands patrons soulève chaque fois qu’elle est dévoilée un grand vent d’indignation. Est-ce vraiment la récompense de leur mérite ? Qui peut souscrire à cette fadaise ?

L’augmentation de 25% du salaire de John Ridding, le directeur général du Financial Times, a fait jaser. Les 2,6 millions de livres supplémentaires empochés en année pleine correspondaient à la réduction des coûts éditoriaux qu’il réclame et représentent la rémunération de vingt journalistes. Indécence ou inconscience ? Il a finalement dû renoncer à son augmentation après avoir tenté d’en conserver une partie. Dernier épisode connu, la rémunération de Benjamin Smith, le nouveau PDG d’Air France KLM pourrait atteindre 4,25 millions d’euros tout confondu.

On mesure mal, extérieurs à ce milieu, à ses règles et à ses codes, la banalité d’une telle augmentation et de ce niveau de rémunération. On y vit dans un autre monde qui estime ne pas avoir à rendre des comptes.

Les anciens de Lehman Brothers, la banque américaine dont l’effondrement a tout déclenché il y aura dix ans le mois prochain, entendent revendiquer leur participation à ce petit monde privilégié. Après tout, font-ils savoir, ils ne sont pas coupables de la faillite de l’une des stars de Wall Street.

Forts de leur tardive bonne conscience, ils ont prévu de commémorer cet anniversaire à Londres et à New York en septembre, puis à Hong Kong en novembre. Le ministre des Finances britannique de l’époque, Alistair Darling, n’a pas hésité à prendre leur défense devant le tollé que leur initiative a suscité. « Il serait ridicule de dire qu’il n’est pas possible pour eux de se retrouver. Honnêtement, le fait que quelques personnes prennent un verre de vin ensemble n’est pas le problème le plus important auquel nous faisons face aujourd’hui. » La solidarité de corps est puissante, la bêtise est immanente.

Les grandes entreprises transnationales ont reconstitué leurs marges dans la dernière période et enregistré une forte progression de leurs résultats. Au grand bénéfice de leurs actionnaires, que ce soit sous la forme de programmes d’achat de leurs actions ou du versement de dividendes. Il faut également les contenter pour faire passer la rémunération du haut management.

Les montants sont mirobolants. Selon Goldman Sachs, les entreprises du S&P 500 pourraient racheter cette année pour 1.000 milliards de dollars de leurs propres actions. Avec pour effet d’augmenter le bénéfice par action et de soutenir Wall Street. Apple, dont la capitalisation boursière approche les mille milliards de dollars, a annoncé un programme de 100 milliards de dollars à lui tout seul.

Au chapitre des dividendes, tous les records sont battus. Selon l’étude trimestrielle de Janus Henderson – une société de gestion d’actifs basée à Londres – ils ont augmenté de 12,9 % dans le monde entier au cours du deuxième trimestre de l’année. Leur montant total représente 497,4 milliards de dollars, des niveaux records étant atteints aux États-Unis, au Japon, en Allemagne et en France.

Dans cet océan de bonnes nouvelles, reste un petit problème à régler : cette richesse est très mal partagée. Heureusement, la réunion annuelle des banques centrales de Jackson Hole, qui débute jeudi soir prochain, n’évacue pas le sujet dans son énoncé des thèmes qui vont y être traités. Observant la concentration opérée par les grandes sociétés multinationales et le renforcement de leur pouvoir, les organisateurs s’interrogent sur l’affaiblissement de la compétition qui en résulte, la faiblesse de la croissance de la productivité et des salaires. Ainsi que sur celle de la part des résultats consacrée à la rémunération du travail, à comparer avec la croissance de celles qui sont destinées à rémunérer les actionnaires et le management.

Peut-on croire que les doctes communications qui sont attendues dans cette enceinte très mondaine vont soudainement remédier à cet état des choses ?

9 réponses sur “Le partage, ce très vilain gros mot”

  1. Je ne comprends absolument pas le titre de cet article !

    La notion de partage est même à la base de la politique de l’Union Européenne : il suffit de regarder la Grèce dont les différents actifs ont été partagés entre les pays dominants de la zone euro.

    Et que dire de la souveraineté du peuple grec partagée jusque la fin des temps entre la BCE, le FMI et les créanciers privés ? Si ça, ça n’est pas du partage !

  2. Sur France Inter, à la une, indique la réussite finale de la politique appliquée à la Grèce, se félicitant d’un excédant primaire de plus de 3% ait été obtenu ; de la liberté retrouvée par la Grèce de pouvoir dorénavant se refinancer sur les marchés privés, et pas une once de doute sur les dégâts sociaux, politiques et tout simplement économiques…..De quoi vraiment douter de l’honnêteté intellectuelle de certains média…

    1. Les accords signés par Alexis Tsipras sous la dictée de la Troïka stipulent que la Grèce doit dégager un surplus budgétaire primaire totalement irréaliste de 3,5%. En clair, les salaires et pensions vont continuer à baisser, les impôts à augmenter (pour la plèbe), et les privatisations continuer de plus belle. 4 à 500.000 personnes ont déjà fui un pays où le taux de suicides a été multiplié par trois et où la mortalité infantile et chez les personnes âgées a fortement augmenté.

      Les 180% de dette sur PIB signifient simplement que les grecs sont devenus les serfs de leurs créanciers ad vitam æternam.

      https://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-a-moudre-dete/emission-du-mardi-21-aout-2018

  3. Question encore : le résumé de l’émission de France Culture parle d’une aide de 260 milliard d’euros fournie à la Grèce par la Troïka depuis 2010. S’agit il de transferts nets ou de prêts ? (Je me doute de la réponse, mais dans le doute….).

    1. Il s’agit bien évidement de prêts que la Grèce rembourse en permanence contrairement aux déclarations ambiguës (de Pierre Moscovici entre autre), pouvant laisser entendre que les remboursements ne commenceront qu’en 2032.

      Si officiellement les remboursements sont censés se terminer en 2069, les échéanciers comme l’a d’ailleurs reconnu le FMI sont totalement irréalistes et il faudra donc rajouter assez rapidement une énième couche de prêts, une « aide » qui mécaniquement fera augmenter le ratio dette sur PIB du pays…

      Mécanisme absurde si l’on croit ingénument que le but est d’aider la Grèce, mais qui prend tout son sens si l’objectif est de privatiser toutes les richesses qui y sont produites, la dette servant alors de prétexte. En fait les pouvoirs publics de différents pays européens, la France et l’Allemagne notamment, ont repris la dette « pourrie » détenue par leurs banques privées pendant que la BCE continuait à prêter aux banques grecques sous garantie de l’état grec. C’est cette socialisation des dettes privées, cette prise d’otages pour parler clairement, qui explique la trahison de Tsipras suite à la nette victoire du Non au référendum de 2015.

      Pour le plaisir, notons que si l’État grec était forcé d’emprunter à la BCE à court terme et à un taux très élevé (supérieur à 5%), les banques étrangères prêteuses se fournissaient pratiquement à taux zéro auprès de la BCE…

  4. « … Dans cet océan de bonnes nouvelles, reste un petit problème à régler : cette richesse est très mal partagée… »

    L’ami François, comme à son habitude, nous fait un bon bilan à l’instant T , de la santé financière et économique de cet « impérialisme à son stade suprême  » de décrépitude .

    Mais n’étant pas un marxiste disons orthodoxe , François passe à coté de l’essentiel, lorsqu’il nous parle de partage de richesse , alors même que le problème de ce système c’est le manque de création de richesses réelles.

    Aussi paradoxale que cela puisse paraître , les analyses des Marx Lénine Trotsky Luxembourg sont les analyses les plus judicieuses jamais écrites. Evidemment que suite à la première et deuxième guerres mondiales les forces productives ( et donc la masse de marchandises ) ont décuplées . Que dire de cette période s’ouvrant en 1971, et la rupture de la parité fixe dollar-or , permettant aux Etats de financer la croissance de la richesse globale, à coup de monnaies flottantes et gros déficits publics .

    Mais cette politique de monnaies de singe arrive en fin de cycle , et aujourd’hui l’extraordinaire ingénierie financière des dernières décennies semblent ne plus pouvoir être un moteur de la continuation de la création de richesses. Même le volet d’entrainement de l’ensemble, à savoir les budgets d’armement des Etats , peinent à pouvoir être votés et financés .

    Sourions à entendre Trump annoncer derrière Reegan son souhait d’une  » guerre des étoiles « . Le dollar de Trump n’est pas celui de Reegan , et le financement de ce projet risquerait d’être le champ du cygne du billet vert et derrière lui de l’ensemble du système monétaire international .

    Les grands groupes capitalistes achètent leurs actions. Bien , cela leur permet de gagner encore un peu de temps. Mais le fait essentiel de cet été, c’est l’appel pathétique du président turc implorant Dieu de lui venir en aide ; ce sont les tentatives brouillonnes du gouvernement venezuelien de construire le socialisme, non pas contre mais avec sa bourgeoisie. Tout cela, même si les conséquences sont dramatiques pour les larges masses , est on ne peut plus amusant.

    Ce monde du mensonge et du faux semblant ne crée en réalité que de la dette, il lui reste peu de temps. Abrogeons la dette comme Lénine le fit en son temps , et fêtons nous salariés-esclaves , le plus grand jubilé de toute l’histoire du monde connue et ainsi l’humanité repartira de l’avant.

    Reste un petit problème à régler : La richesse de la pensée marxiste est très mal partagée. Il faut d’urgence ouvrir des écoles.

  5. @F. Leclerc
    Comme une envie d’un petit décodage…?…
    … » Selon le président socialiste Nicolas Maduro, le bolivar souverain est indexé à la valeur du petro, la cryptomonnaie vénézuélienne avec laquelle le gouvernement entend contourner le manque de liquidités et les sanctions financières des Etats-Unis.

    C’est la première fois qu’un pays adosse sa monnaie sur une cryptomonnaie. Les prix et les salaires seront fixés dans les deux monnaies.

    Et chaque petro, selon le chef de l’Etat, équivaut à environ 60 dollars, sur la base du prix du baril de pétrole vénézuélien, soit 3.600 bolivars souverains « ….
    dans : https://www.rtbf.be/info/economie/detail_le-venezuela-devalue-sa-monnaie-de-96?id=10000101

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