La transition dans laquelle la Chine est engagée est rendue plus ardue par la guerre douanière que Donald Trump mène dans le but d’améliorer la compétitivité de l’économie américaine. Un scénario prévalait en occident à son propos, mais il doit être révisé. Selon celui-ci, l’énorme marché intérieur chinois allait progressivement s’ouvrir largement aux exportations occidentales, et la Chine allait cesser de faire cavalier seul pour s’intégrer dans une économie capitaliste mondialisée. Les discussions portaient essentiellement sur les à-coups et le calendrier de cette mutation au fur et à mesure qu’elle se déroulait.
Il s’avère aujourd’hui que le processus est un peu plus complexe. La Chine est engagée dans la construction d’un modèle propre – dont les grands traits sont déjà discernables – et n’a pas l’intention de se fondre dans le modèle capitaliste financier. S’il a été relevé à juste titre que l’effondrement de l’URSS était un repoussoir pour les dirigeants chinois, la crise financière du monde occidental n’est pour autant pas spécialement attirante à leurs yeux, attentifs comme ils sont à toute dynamique qu’ils ne pourraient pas contrôler.
La clé de voûte du modèle chinois repose sur le concept d’un Parti-État fermement installé au pouvoir. Celui-ci dispose de moyens de coercition ayant fait leurs preuves, mais son emprise ne pourrait pas prétendre être maintenue sur le long terme si elle ne s’appuyait pas sur un contrat implicite garantissant amélioration du niveau de vie contre allégeance au Parti-État. Et ce contrat implique que le chômage occasionné par les restructurations en profondeur de l’appareil de production reste dans des limites soutenables.
Tel est le cadre dans lequel la direction chinoise exerce son pouvoir dans sa plénitude tout en ne suscitant qu’une contestation marginale. Sans hésiter à durement réprimer les manifestations populaires spontanées, surtout lorsqu’elles éclatent dans de lointaines provinces. Parallèlement, la Chine est devenue une puissance militaire mondiale qui compte.
Certes, il faut gérer l’héritage d’un développement industriel intensif et des immenses dégâts sur l’environnement qui en ont résulté ainsi que l’existence de colosses bancaires ou industriels qui font obstacle par leurs pesanteurs à la réalisation du modèle chinois. Mais ce n’est pas le principal des problèmes rencontrés par le Parti-État, qui prend son temps pour le gérer. Afin de palier à la crise financière mondiale et à la baisse des exportations, avec ses incidences sur l’emploi, la banque centrale chinoise a financé cette dernière décennie la réalisation d’immenses programmes d’investissement dans les infrastructures. Par la même occasion, elle a aussi suscité la formation d’une dangereuse bulle d’endettement.
Sur instruction, elle recommence à injecter des liquidités en réaction à la nouvelle offensive du président américain. Contribuant à la prospérité du shadow banking, qu’elle laisse à nouveau en paix. Il représente un moindre mal car il est seul estimé en mesure de financer les petites et moyennes entreprises privées dont la production de biens et de services est destinée au marché intérieur. Cette politique rencontre désormais ses limites, car l’investissement dans les programmes d’infrastructure, sa principale composante, a comme effet de gonfler la dette plus que d’accroître la croissance économique.
Le président Xi Jinping a tracé le cadre du modèle chinois dans deux domaines essentiels selon lui pour l’avenir. Dès 2014, il a appelé à « une révolution des robots », et la Chine est d’ores et déjà le premier marché mondial des robots industriels. Avec une population vieillissante et le renchérissement de la main-d’œuvre, le président chinois compte sur l’automatisation des usines pour réaliser son développement industriel. Mais la Chine ne possède que 1% des brevets en robotique, ce qui y fait obstacle. Elle met néanmoins les bouchées doubles, comme le montre la tenue du 4ème congrès mondial des robots à Pékin, la Banque Mondiale pronostiquant à cette occasion que 77% des emplois chinois sont susceptibles d’être à terme robotisés. On attend la réponse que les autorités chinoises vont y trouver.
Cette prévision explique l’autre dimension du modèle chinois. La mise en place d’un système élaboré de contrôle social associant le commerce en ligne et l’utilisation de la monnaie électronique, en plein essor, a commencé sous l’égide d’un comité présidé par Xi Jinping. Avec comme objectif de surveiller le comportement des citoyens chinois dans tous les aspects de leur vie sociale au prétexte d’une notation de leur « crédit social », assorti d’avantages ou de pénalités selon son niveau. Devant les inconnues qui vont survenir, le Parti-État se donne les moyens de faire respecter le contrat.
La robotisation…. et le salaire social à l’utilisation incertaine car il n’implique pas la volonté des bénéficiaires, génératrice d’innovations.
Où va t on?