La banque centrale turque a essayé tôt lundi matin d’enrayer la chute de la livre turque, mais elle n’y est parvenue. En leur garantissant un accès illimité à la liquidité afin qu’elles puissent se refinancer, elle peut tout au plus protéger les banques.
Recep Tayyip Erdogan continue de crier au complot et de dénoncer des terroristes, et cela ne fait qu’aggraver la situation en la dramatisant. Afin de stopper la fuite des capitaux, il n’a dans l’immédiat qu’un seul recours, leur contrôle, mais il ne s’y est pas encore résolu. Le président turc est dépassé par les évènements, lui-même à l’origine sans en avoir conscience de la chute de la livre turque qui s’est brutalement amplifiée en fin de semaine dernière dans le cours de son duel avec Donald Trump.
On ne s’étonnera donc pas que l’Iran, qui a également connu une chute vertigineuse de sa monnaie, dans son cas directement liée au rétablissement des sanctions américaines, a pris samedi dernier fait et cause pour Ankara face à Washington.
Multipliant les référence à l’islam et invoquant le soutien d’Allah, Recep Tayyip Erdogan qualifie d’« instrument d’exploitation » les taux d’intérêt, qui selon lui devraient être aussi bas que possible. « Les taux d’intérêt devraient être maintenus à un minimum, car ils sont un instrument d’exploitation qui rend les pauvres plus pauvres et les riches plus riches ». Ce n’est pas avec de telles déclarations qu’il peut espérer rassurer les investisseurs.
Quels sont donc les « nouveaux alliés » que le président turc menace de trouver afin de déjouer le « complot politique » qu’il dénonce ? Il lui faut trouver une place dans les plans russes de l’après-guerre syrien, dans le but d’installer les réfugiés présents en Turquie dans les territoires du nord de la Syrie d’où il a évincé les milices kurdes.
La crise de la livre turque est multiforme. Ses raisons ne sont pas uniquement politiques et ne résultent pas uniquement de son affrontement avec le président américain. L’autocrate turc le voudrait bien, car cela appellerait alors des solutions sur lesquelles il aurait prise. Mais en réalité des mouvements financiers s’amorcent en profondeur.
Ayant la banque centrale sous contrôle, le président turc s’est opposé à toute augmentation de son taux directeur principal, convaincu de contribuer ainsi à la croissance en dépit d’une forte inflation qui nécessiterait le contraire. Et cela au moment même où des perspectives plus attrayantes se présentent pour des capitaux ignorant les frontières et recherchant du rendement. La dégringolade de la livre turque et l’affrontement entre les deux bateleurs de foire sont suffisamment spectaculaires pour que les analystes n’aillent pas plus loin, et pourtant ! Comme annoncé le rand sud-africain, la roupie indienne et la roupie indonésienne manifestent des accès de faiblesse, et là il n’est pas question de hausse des taux douaniers américains. Le peso mexicain n’est pas en meilleure forme et, en dépit d’un accord avec le FMI, le peso argentin continue de fortement se déprécier.