La Grèce sort épuisée ce mois d’août de neuf ans de « programmes d’aide ». Mais ses créanciers n’ont pas pu s’empêcher de célébrer l’évènement, soucieux de tourner cette page qui n’est pas spécialement à leur gloire mais satisfaits d’avoir imposé leur autorité, se substituant aux marchés dans le rôle du croquemitaine pour préserver leurs intérêts bancaires.
Le pays est sorti de la récession l’année dernière. Certes, le FMI lui accorde une croissance prévisionnelle de 2% cette année et de 2,4% en 2019 mais, relativisant ce redressement, le chômage ne devrait que lentement régresser, passant de 21,5% en 2017, à 19,9% en 2018 et 18,1% en 2019. Et, surtout, la Grèce est loin d’être sortie d’affaire devant le remboursement d’une dette monumentale dont le montant est de 178% du PIB, le plus élevé d’Europe. Et les grecs vont devoir en subir toutes les conséquences, Klaus Regling, le directeur général du Mécanisme européen de stabilité (MES) n’ayant pas manqué d’annoncer « un renforcement de la vigilance » jusqu’au dernier remboursement afin de vérifier que les « réformes » se poursuivent.
Ses créanciers, les États européens membres de l’Eurosystème pour l’essentiel, ont en juin dernier repoussé cette dernière échéance de remboursement au plus loin possible, maintenant contre l’avis du FMI que la dette grecque était « soutenable » à long terme, une fois son réaménagement intervenu. À ceci près qu’ils se sont appuyés pour le démontrer sur des hypothèses de projections annuelles de croissance de 3% du PIB et de solde budgétaire de 2,2%, parfaitement invraisemblables et intenables.
Dans le cadre de cette fiction, il a été consenti un allongement de dix ans de la maturité moyenne de 96 milliards d’euros de la dette – correspondant au montant contracté en 2012 auprès du FESF – la faisant passer de 32,5 à 42,5 ans. Les premiers remboursements de cette moitié de la dette n’interviendront qu’en 2033, et la charge des remboursements sera étalée jusqu’en 2069 pour les plus lointains d’entre eux. Pendant cette période, la Grèce devra toutefois rembourser les prêts du FMI et ceux contractés en bilatéral avec les États européens.
La Grèce devra consacrer sur la dernière tranche du prêt un montant 3,3 milliards d’euros afin de commencer à constituer une réserve de trésorerie de 15 milliards d’euros, au cas où le recours au marché deviendrait trop coûteux. Mais elle ne devra pas s’attendre à une quelconque mansuétude. Il n’est toujours pas question pour les 19 banques centrales de l’Eurosystème de rembourser les revenus d’intérêts des titres grecs achetés entre 2012 et 2016, dont le montant global de 7,8 milliards d’euros a été ventilé proportionnellement à leur répartition au capital de la BCE. C’est à elles, donc aux États, qu’il appartient de le décider…
Les banques grecques, très plombées par leurs « prêts non performants », ne vont plus avoir accès aux prêts à taux zéro de la BCE, les titres grecs n’étant plus éligibles auprès de celle-ci, ce qui va surenchérir le coût de leur financement, la Banque nationale grecque leur accordant des prêts à 1,25%. Celle-ci ne va plus par ailleurs être incitée à acheter des titres grecs, ne pouvant plus s’en délester auprès de la BCE, et les banques grecques devront se financer auprès de leur Banque centrale au taux de 1,25%. Comment vont-elles, dans ces conditions, pouvoir développer le crédit aux entreprises pour stimuler la croissance ?
Une révision des accords de juin est prévue en 2032, date qui coïncide avec la montée en charge du remboursement de la dette. L’occasion d’un nouvel allégement de celle-ci ? Pas du tout ! Il est d’ores et déjà précisé que des nouvelles réformes seront nécessaires si les objectifs de croissance et de solde budgétaire ne sont pas atteints. Ils sont indécrottables !
Le tabou de la réduction de la dette reste sans surprise intouchable, car celle-ci doit rester dépourvue de tout risque pour remplir sa mission de solidification du système financier. Il n’y aura pas d’autre alternative que de poursuivre une politique qui a failli, sauf à inventer sous une forme ou une autre une dette perpétuelle, que l’on ne rembourse jamais, ou bien de créer un marché pour des titres à 100 ans. Car tout sera fait pour préserver la solvabilité théorique des États en faillite afin de ne pas déstabiliser la finance. C’est la nouvelle route qui est tracée avec la Grèce dans le rôle de l’éclaireur.
Une infamie, une tâche que les tenants de l’orthodoxie néolibérale s’acharnent à maintenir coûte que coûte sur le drapeau européen de plus en plus mal en point. La Troïka allant même à l’encontre de l’avis finalement plus modéré de ce qui faisait figure de proue de cette logique financière, à savoir le FMI. Notez une donnée qui n’est pas forcément très connue en France, et à mettre en parallèle avec le taux exorbitant de chômage du pays: l’hémorragie des jeunes (et d’abord les plus formés) qui ont quitté le pays (les « migrants forcés » – plusieurs centaines de milliers), et qui comme en Espagne, au Portugal et en Italie, font diminuer artificiellement le taux de chômage, et représente une saillie des forces vives, hypothéquant durablement le futur des pays concernés ; un peu comme une guerre qui sacrifierait une même cohorte générationnelle de jeunes appelés…(Merkel ne s’était d’ailleurs pas cachée, et encourageait dernièrement publiquement les jeunes italiens diplômés à venir en Allemagne, très heureuse de pouvoir les accueillir et de leur promettre de opportunités de travail… no comment !).
Notez en appartée, ma curiosité d’aller jeter un coup d’oeil au « Cercle des économistes d’Aix » qui s’est tenu en juillet dernier, et un petit focus sur une « tablée » particulière sur le thème : « Impact de la révolution numérique sur les inégalités » ; thème allèchant a priori. Ma curiosité a porté plus particulièrement sur une intervenante, Madame Pervanche Bernès, députée européenne depuis … 1994, et fidèle adhérente au parti socialiste (aï, aï, aï, …). La parole est vive, assurée, experte, voire sincère, apparemment pleine de bonne volonté, et bien sûr, on sent une aisance particulière à s’exprimer de la sorte (14 ans de service, quand même…). Mais quoi ? Mon diagnostic est simple : cette personne (dont il ne s’agit pas de remettre en cause l’honnêteté) est juste dans une posture d’experte…. Mais pas du tout dans celle d’une représentante politique qui l’obligerait un tant soi peu, ni évidemment de porte-parole. Que nenni la démocratie (dont la même personne voudrait nous dire qu’elle se trouve menacée par la montée des extrêmes), alors même que sa posture ne ressemble nullement à celle d’une représentante politique qui devrait porter les aspirations d’un électorat qui l’aurait élue et à qui logiquement on serait en droit de demander de rendre des comptes…Ainsi finalement le décalage de ce « personnel politique » complètement entre soi et dans un système verrouillé sans véritable culture démocratique mais technocratique sans le savoir, qui s’étonne avec effarement des événements en cours en dehors du « château » bruxellois ou strasbourgeois, et du fameux « populisme » (Italie, Brexit, Europe de l’Est, …). A ce train là, le titanic aura le temps de couler trois fois….
Un remède, donc, la démocratisation.
Trés juste.
J’ai connu de vieux staliniens qui pensaient ou croyaient que si leur église était si communément attaquée, ce n’étaient pas le chemin emprunté qui était à revoir, non, cela tenait au fait que la théorie et les principes idéologiques n’étaient pas assez rondement menés et qu’il fallait s’appliquer à la tâche, persister dans cette voie et en remettre une couche, mais pas question de revoir la théorie ou critiquer quoi que ce soit des principes, que nenni, surtout pas. Les faits devaient se plier à la théorie, non mais.
L’Occident du camp d’en face avait baptisé cette déviance de la pensée de « TOTALITAIRE ».
Joli pied de nez de l’Histoire depuis un bout de temps, lorsqu’on regarde l’actualité européenne guidée par une autre pensée « TOTALITAIRE ».
Par hasard, je tombais ces jours-ci sur une affiche de campagne de Georges Pompidou repoussant par sa candidature ce dangereux TOTALITARISME… cocasse non ?
On se dit alors, gentiment désabusé qu’il faudrait peut-être réhabiliter le communisme pour sauver le capitalisme…
Ne plaisantons pas. Oui, vous avez raison seule la démocratie non biaisée peu (peut-être) sauver aujourd’hui l’humanité.