Le Conseil européen qui va débuter aujourd’hui a des chances de laisser dans l’histoire la marque de la plus profonde désunion. Au plus haut niveau, les autorités européennes vont s’opposer à propos de la meilleure manière de fermer les frontières aux envahisseurs cherchant un refuge. La relance de l’économie n’étant plus un sujet, elles vont se mettre d’accord pour… poursuivre les réflexions engagées sur la consolidation de la construction européenne. À l’ordre du jour : le troisième pilier de l’Union bancaire, les nouvelles missions du MES et la création d’un budget de la zone euro.
Une autre discussion très tendue s’annonce pour plus tard qui porte sur le prochain budget pluri-annuel de la Commission. Et qui dès maintenant restreint le champ des possibles dans tous les domaines.
Le projet de document qui devrait sortir de la réunion du Conseil porte en premier lieu sur le renforcement de l’Agence européenne des garde-frontières, destinée à devenir une police des frontières de l’Union européenne de plein exercice, ainsi que sur le renforcement des liens avec la Libye, qui est destinée à jouer un rôle de même nature que celui de la Turquie. Mais il ne mentionne pas un volet supplémentaire de la politique mise en œuvre sans attendre à l’initiative de Matteo Salvini, auquel Emmanuel Macron apporte son soutien. Les ONG doivent arrêter leurs sauvetages en mer et laisser les autorités en faire leur affaire à leur façon.
Le président français, à qui le compliment pourrait être retourné, met en cause l’ONG Lifeline pour « son cynisme terrible ». Il serait mieux inspiré d’étayer l’accusation selon laquelle elle serait « en contravention avec toutes les règles », qui ne sont pas identifiées, que le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux n’hésite pas à traduire par des violations du « droit international », également sans plus de précisions. Les faits sont pourtant connus, Lifeline a refusé d’obéir aux consignes du centre des coordinations des sauvetages, que Matteo Salvini avait transféré le week-end dernier des autorités maritimes italiennes aux libyennes en sachant pertinemment ce qu’il faisait. Obéir à celles-ci revenait à consentir au refoulement par les garde-côtes libyens des réfugiés, en violation de la Convention de Genève sur les réfugiés.
L’objectif poursuivi est de décourager les ONG à qui aucun sauvetage ne sera plus confié, et de faire comprendre aux réfugiés qu’ils ne pourront pas s’échapper de la Libye, un pays pourtant en pleine guerre civile que l’on ne peut en aucun cas qualifier de « sûr ». Voilà la politique qu’Emmanuel Macron défend.
Deuxième grande thème du sommet, la relance de la construction européenne se présente aussi peu consensuelle. Que va-t-il rester du peu qui avait été péniblement négocié entre les autorités allemandes et françaises ? Le projet de budget de la zone euro, qui devra être adopté par les 28, ne figure même pas implicitement dans la déclaration commune du sommet. La montée en puissance financière du MES destiné à jouer un rôle de soutien aux banques et aux pays en difficultés fera l’objet de décisions renvoyées au dernier Conseil de l’année, en décembre prochain. Enfin, les responsables de la zone euro vont être invités à définir un calendrier de mise en œuvre de la garantie des dépôts et de la finalisation de l’Union bancaire, une fois adopté un accord comme préalable insaisissable. Rien de moins que le niveau d’assainissement des prêts non performants requis dans les bilans bancaires.
Ce n’est pas un grand élan qui se prépare.
Et pendant ce temps-là, pas loin de chez nous, juste de l’autre côté de la Méditerranée, en Algérie…
https://www.tunistribune.me/2018/06/26/video-lalgerie-abandonne-des-migrants-dans-le-sahara/
L’image Tex-avery où le personnage poursuit sa course au-dessus du vide, avant de s’en apercevoir et de chuter, saute aux yeux. Est-il encore temps où est-il trop tard pour « changer de paradigme » (cela dépend si l’on est de nature optimiste ou pessimiste). En tout cas, nos « élites » actuelles politico-economiques ont largement eu le temps de démontrer qu’elles étaient a l’Ouest (au mieux), ou justes occupées à sauvegarder leurs intérêts particuliers et à se préparer des canots de sauvetage (au pire)….l’histoire continuent.